dimanche 12 août 2018

Cri d'alarme de 15000 scientifiques




Dans un texte signé il y a 25 ans par 1.700 chercheurs,
les auteurs exhortaient à réagir face à la destruction de l'environnement,
 craignant que « l'humanité ne pousse les écosystèmes
au-delà de leurs capacités à entretenir le tissu de la vie ».

Mais la situation s'est encore plus aggravée et devant l'ampleur du phénomène,
 plus de 15.000 scientifiques ont signé un cri d'alarme sans précédent.
Si nous ne réagissons pas, nous allons droit dans le mur, expliquent-ils.
Le temps presse.

 

En 1992, 1.700 scientifiques, dont près d'une centaine de prix Nobel,
 lançaient à l'occasion du Sommet de la Terre à Rio, premier du genre,
 le « World Scientist's Warning to Humanity ».
 Cet avertissement à l'humanité décrivait la destruction de l'environnement,
peu conscientisée à l'époque, et soulignait combien notre espèce est
 « sur une trajectoire de collision avec le monde naturel », si elle ne réagit pas.
 
Vingt-cinq ans plus tard, les scientifiques constatent que la situation ne s'est pas améliorée.
 Au contraire, elle a empiré dans tous les domaines en crise, avec une exception,
l'affaiblissement de la couche d'ozone, réduit grâce à une forte mobilisation internationale.
 Alors 15.364 scientifiques du monde entier (184 pays) ont signé un nouveau cri d'alarme,
 d'une ampleur sans précédent.
 
Le texte a été publié le 13 novembre 2017
dans la revue scientifique BioScience et dans Le Monde
(« Il sera bientôt trop tard » titrait en Une lundi le quotidien),
alors que se déroule jusqu'au 17 novembre,
la COP23, sur le climat, à Bonn.
 
(...)

 



Le péril climatique

 
Le climat, justement. 
« Particulièrement troublante est la trajectoire actuelle
d'un changement climatique potentiellement catastrophique » écrivent les auteurs
dans le « cri d'alarme » de 2017. Le taux de CO2 dans l'atmosphère terrestre,
nous l'avons vu récemment, n'a jamais été aussi élevé depuis au moins 800.000 ans.
 Il est désormais au-dessus de 400 ppm contre 280 ppm avant l'ère industrielle.
 
Pour les chercheurs, nos seules chances de salut passent par un sursaut collectif et aussi individuel : 
« grâce à un raz-de-marée d'initiatives organisées à la base,
il est possible de vaincre n'importe quelle opposition, aussi acharnée soit-elle,
et d'obliger les dirigeants politiques à agir », écrivent-ils.
 
Et cela passe aussi par nos comportements individuels 
« en limitant notre propre reproduction [...] et en diminuant drastiquement notre consommation
par tête de combustibles fossiles, de viande et d'autres ressources »
.
« Il sera bientôt trop tard pour dévier de notre trajectoire vouée à l'échec
car le temps presse, conclut l'appel de 2017. 
Nous devons prendre conscience, aussi bien dans nos vies quotidiennes
que dans nos institutions gouvernementales, que la Terre,
avec toute la vie qu'elle recèle, est notre seul foyer. »


 
 
Et cela ne devrait pas s'améliorer car les émissions de ce gaz à effet de serre lequel, rappelons-le, peut séjourner 100 ans dans l'atmosphère, sont reparties à la hausse après trois années de stabilité
 selon le nouveau rapport annuel du Global Carbon Project.
 
 Elles devraient être de +2 % en 2017 et atteindre un record de 36,8 milliards de tonnes. 
« Le monde n'a donc pas atteint son pic d'émissions, affirment les auteurs de l'étude
qui vient de paraître dans Nature Climate Change, Environmental Research Letters et Earth System Science DataCela montre qu'il faut agir plus fortement.
Il faut oublier toute autosatisfaction. »



 

« La nature, c’est nous »

Pour Corinne Le Quéré, de l'université britannique d'East Anglia, selon des propos rapportés par l'AFP : « c'est une grande déception. Avec 41 millards de tonnes de CO2 émis estimés pour 2017 [si l'on ajoute la déforestation, NDLR], on risque de manquer de temps pour garder la température sous 2 °C, et a fortiori 1,5 °C ».
 
D'ailleurs, l'objectif très enthousiaste de limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C lors des accords de Paris en 2015 semble de plus en plus hors d'atteinte. Cet été, des chercheurs annonçaient même qu'il n'y aurait que 5 % de chances de le limiter à 2 °C.
 
Le changement climatique provoqué par une hausse des émissions de gaz à effet de serre n'est qu'un des périls qui assombrit l'avenir de l'humanité et bien sûr avec elle, de la vie sur Terre. Affectés désormais par les perturbations créées par le réchauffement global dont nous sommes responsables, les écosystèmes sont aussi violemment impactés par leur destruction frontale par l'Homme depuis plusieurs siècles : déforestation, braconnage, exploitation minière, artificialisation des sols, agriculture intensive et usages massifs de pesticides...


 
 
Sans oublier les océans et la vie marine. Tous les voyants passent au rouge. 
« Nous avons déclenché un phénomène d'extinction de masse,
le sixième en 540 millions d'années environ,
au terme duquel de nombreuses formes de vie pourraient disparaître totalement »,
déplorent les 15.000 signataires

Un grand nombre de vertébrés et invertébrés, terrestres et marins, sont en danger d'extinction.
Nous avons appris il y a quelques semaines que la population d’insectes volants
 s'est effondrée de 75 % en 30 ans en Allemagne.
 Un chiffre que l'on peut élargir à l'Europe où les conditions sont similaires
 sur de nombreux territoires. Leur perte est non seulement dommageable pour la pollinisation
mais aussi pour l'ensemble de la chaîne alimentaire,
avec les conséquences que l'on peut craindre.


 
 
Interrogé par Le Monde, le biologiste Gilles Bœuf,
ancien président du Muséum national d'histoire naturelle,
rappelle une évidence :
 
« La biodiversité, nous en faisons partie : la nature, c'est nous.
 Nous ne sommes pas à côté d'elle.
Dès que l'on admet cela, on comprend que détruire les écosystèmes
 revient à s'auto-agresser, qu'opposer la protection de la nature d'un côté
 à la création d'emplois et au court terme économique de l'autre
est d'une totale stupidité ».

 

Le problème de la gestion des ressources

Pas plus tard qu'il y a huit jours, le célèbre physicien Stephen Hawking déclarait lors d'une conférence que si nous ne faisons rien, la Terre serait inhabitable dans un avenir proche,
en proie à une surpopulation, des terres devenues incultivables
et un épuisement croissant des ressources naturelles.
Il exhortait l'humanité à préparer l’exploration interstellaire.
 
Depuis la signature du premier appel en 1992, la population mondiale a augmenté de 35 %
(nous sommes à présent 7,6 milliards, selon les derniers chiffres des Nations Unies de juin 2017),
ce qui n'est pas sans incidences sur les ressources comme l'eau douce.
En effet, « le volume d'eau douce disponible par habitant a chuté de moitié »
 depuis les années 1960.
 
Tout est une question de gestion des ressources.
Dans Le Monde, le démographe Hervé Le Bras rappelle que 
« si l'ensemble de l'humanité mangeait comme les Français,
les ressources de la planète permettraient de nourrir seulement 4 milliards d'humains.
A contrario, avec le régime du Bangladesh, ce serait 12 milliards ».


 
 
Enfin, la pression démographique s'exerce sur les milieux naturels,
les fragmentant de plus en plus jusqu'à les réduire à peau de chagrin.
On le voit en Amazonie ou en Indonésie, exemples les plus connus où les grandes forêts,
foyers des plus riches biodiversités de la planète, sont mises en pièce —
idem dans les milieux marins avec la destruction notamment des coraux
en raison du réchauffement des eaux et de leur acidification —
pour des monocultures (huile de palme, soja pour les animaux...),
 mais c'est aussi le cas dans nos campagnes où la nature laisse la place au béton
(environ 236 hectares de perdus par jour en France).




« Nous mettons en péril notre avenir en refusant de modérer
notre consommation matérielle intense
mais géographiquement et démographiquement inégale,
et de prendre conscience que la croissance démographique rapide et continue
 est l'un des principaux facteurs des menaces environnementales et même sociétales. »

Il sera bientôt trop tard !

 

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