dimanche 28 octobre 2018

La politique de l'oxymore (1)




...Si la contradiction et le conflit sont inhérents à tout univers mental, 
ils atteignent dans le nôtre une dimension inégalée
 à cause des tensions sans précédent 
dans lesquelles ce dernier se trouve placé,
 du fait du processus de saturation dans lequel il est engagé.

Comme l'a écrit Michéa, 
la croissance est "la condition transcendantale 
de tous les équilibres libéraux".

Or, nous savons désormais que la biosphère (...) 
est une pellicule fine et fragile, 
une sorte d'exception presque miraculeuse 
dans un environnement cosmique vide et glacé; 
et que cette fragile biosphère ne pourra longtemps 
encore supporter une croissance continue sans s'effondrer.

C'est cette contradiction fondamentale qui sous-tend toutes les autres.
C'est pour masquer cette vérité incontournable 
que notre société multiplie les oxymores.

 (développement durable, agriculture raisonnée, 
marché civilisationnel, flexisécurité, 
moralisation du capitalisme, mal propre...etc)

Et pour se cacher à elle-même cette horrible vérité, 
que son projet fondamental est insensé et intenable 
et qu'il mène l'humanité aux abîmes".
(...)


Plus la tension va s'accroître, plus les usines de communication 
s'alimenteront aux ressources des sciences humaines
 et produiront des oxymores raffinés. 
Et plus l'on produira des oxymores, plus les gens, 
soumis à une sorte de "double bind" permanent, 
seront désorientés, et inaptes à penser 
et à accepter les décisions radicales qui s'imposeraient.

C'est ici le lieu de rappeler l'étymologie grecque d'oxymore, 
qui signifie  "folie aiguë".
Utilisé à dose massive, l'oxymore rend fou , 
comme l'ont montré Gregory Bateson et Paul Watzlawick. 
Transformé en "injonction contradictoire" par des idéologues, 
il devient un poison social.

Une novlangue libérale dont la fonction principale 
est de gommer les réalités qui fâchent, 
les aspects de la condition humaine qu'il convient de masquer 
est en train de prendre la suite 
de l'ancienne novlangue nazie ou communiste.
 .

Bertrand Maheust
"La politique de l'oxymore"
.



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