jeudi 31 janvier 2019

De la désobéissance civile




 
Tous les hommes reconnaissent le droit à la révolution, 
c'est à dire le droit de refuser fidélité et allégeance au gouvernement 
et le droit de lui résister quand sa tyrannie ou son incapacité 
sont notoires et intolérables.
.
Le seule obligation que j'aie le droit d'adopter,
 c'est d'agir à tout moment selon ce qui me paraît juste.
.
La démocratie telle que nous la connaissons est-elle 
l'aboutissement ultime du gouvernement ? 
Ne peut-on franchir une nouvelle étape 
vers la reconnaissance et l'établissement 
des droits de l'homme...?
.  
Ne peut-il exister de gouvernement ou ce ne seraient pas les majorités 
qui trancheraient du bien ou du mal, mais la conscience ? 
.
Il est des lois injustes - devons-nous tout simplement leur obéir, 
ou devons-nous entreprendre de les amender, 
et leur obéir jusqu'à ce que nous ayons obtenu gain de cause, 
ou bien encore devons-nous les transgresser d'emblée ?  
.
Si le gouvernement est d'une nature telle 
qu'il vous oblige à vous faire l'agent d'une injustice à l'égard d'autrui, 
alors je dis que vous devrez enfreindre la loi. 
Faites de votre vie une contre-fiction pour gripper la machine. 
 
Il est de mon devoir de m'assurer 
que je ne contribue pas au mal que je condamne. 
.
 Henry David Thoreau
"De la désobéissance civile"
.




mardi 29 janvier 2019

De toutes les couleurs





Gilets jaunes
(citoyens)



Stylos rouges
(enseignants)

 
Robes noires
(justice)






Blues blanches
(santé)

lundi 28 janvier 2019

Dignité





La liberté et la dignité humaines doivent être effectives
et il ne sert à rien de dire que chacun doit vivre libre
s'il n'a pas les moyens de vivre.
.
Henri Leclerc
.

Quand on prive les gens de dignité,
vient un moment donné
où ils demandent réparation.
.
Michel Onfray
.








dimanche 27 janvier 2019

Fin de la passivité et de l'indifférence



Le régime démocratique a été considéré
comme quelque chose d'acquis,
et de nombreux citoyens
ne se préoccupent plus de la chose commune.

Cette passivité a permis à l'oligarchie et à la finance
de monopoliser le pouvoir.

Rien ne se fera
sans un nouvel engagement politique
– au meilleur sens du terme –
de chacun d’entre nous.

Et un enjeu politique principal
est la reprise de contrôle,
par les instances politiques,
du système financier.
.
Hervé Kempf
.



samedi 26 janvier 2019

Monnaies alternatives




Elles ne seront pas contrôlées par des états ou des banques centrales,
mais émises par les millions de "places de marché" impatientes
de se libérer de l'argent conventionnel,
fondé en grande partie (entre 85% et 98%) sur la dette et l'usure.
Toutes émettront et utiliseront ces monnaies libres...
tout simplement parce que la plupart des individus et des organisations
vivent une pénurie monétaire!
.
.


vendredi 25 janvier 2019

Fonctionnement "fou" du système monétaire actuel



Il est heureux que le peuple de la nation
ne comprenne pas
notre système monétaire et bancaire,
parce que, s'il le comprenait,
je crois qu'il y aurait une révolution
avant demain matin.
.
Henry Ford
.





Finement comprendre la monnaie
est une expérience incroyable,
quelque chose de l’ordre du film Matrix. 
On se libère des conditionnements du système,
pour le contempler du dehors,
dans ses structures fines.

La plupart des échanges sont aujourd’hui monétarisés.
La monnaie imbibe tout, nos psychés, nos comportements,
 bien au-delà de ce que nous imaginons.
L’ensemble du monde actuel est modelé par la monnaie.
Réaliser cela est très secouant.
C’est du même ordre que découvrir la rotondité de la terre...
.

Jean-François Noubel
.



De la même façon que le micro-ordinateur a donné leur autonomie informatique 
à toutes les unités humaines (maisons, entreprises, écoles, institutions...) 
et que les technologies vertes promettent de leur donner 
une autonomie énergétique (solaire, éolien, géothermie, etc.), 
voilà qu’arrivent les monnaies libres (« open money »), 
censées donner à chacun son autonomie monétaire... 
chacun pourra bientôt devenir émetteur/récepteur de monnaies
 - ce qui va métamorphoser l’économie et la société, 
mais aussi nos vies et nos esprits.


Nouvelles Clés : Avant les années 70, personne n’avait vu venir le micro-ordinateur 
et les bouleversements qu’il allait apporter. 
Dans les années 80, qui nous parlait d’Internet ? 
Aujourd’hui, vous dites que nous sommes à la veille d’un choc aussi grand, 
concernant non plus l’information, mais la monnaie ?

Jean-François Noubel : Avant de pouvoir vous parler de l’arrivée 
des « monnaies libres » (open money), 
il est indispensable de comprendre
deux ou trois choses sur notre système actuel.
Vous avez déjà joué au Monopoly, n’est-ce pas,
avec des joueurs et une banque ?
 Si la banque ne donne pas d’argent, le jeu s’arrête, 
même si vous possédez des maisons.
 On peut entrer en pauvreté, non par manque de richesse, 
mais par manque d’outil de transaction, de monnaie.

Dans le monde d’aujourd’hui, 90% des personnes, 
des entreprises et même des États sont en manque de moyens d’échange, 
non qu’ils soient pauvres dans l’absolu (ils ont du temps, des compétences, 
souvent des matières premières), mais par absence de monnaie
Pourquoi ? Parce que, comme dans le Monopoly, 
leur seule monnaie dépend d’une source extérieure,
qui va en injecter ou pas. 
Il n’y a pas autonomie monétaire des écosystèmes.

Au Monopoly tout le monde commence à égalité. 
Puis, peu à peu, des déséquilibres s’introduisent. 
Si la banque décidait de faire payer la monnaie, avec taux d’intérêt, 
les déséquilibres s’accroîtraient encore plus vite,
parce que, mathématiquement, 
l’intérêt évolue de façon exponentielle.  
Aujourd’hui, 95 % de la monnaie mondiale est payante
En moyenne, quand vous achetez un objet, 
le cumul des intérêts constitue 50% de son prix.

Cette architecture fait que la moindre inégalité s’amplifie très vite : 
plus vous êtes riche, plus vous avez tendance à vous enrichir, 
plus vous êtes pauvre, plus vous avez tendance à vous appauvrir.
Il y a un phénomène d’auto-attraction de la monnaie, 
quasiment comme la matière dans le cosmos. 
On parle de « loi de condensation », 
avec des boucles en feedback positif ou négatif.

Le premier a en avoir parlé, au XIX° siècle, est l’économiste Vilfredo Pareto
qui avait beaucoup voyagé et constaté que, quel que soit le système, 
20% de la population humaine possédait en moyenne 80% des richesses.
Le « principe Pareto » a montré que notre système monétaire 
n’était pas viable à long terme - tout le monde est d’accord là-dessus, 
même les dirigeants de l’US Federal Bank.

C’est par nature un système à cycle court,
où l’on doit régulièrement remettre les compteurs à zéro,
par une crise grave, un crack général, une guerre.
 Ce système encourage fondamentalement le court terme, la compétition, 
la propriétarisation d’un maximum de choses, ressources, 
mais aussi savoir, espèces vivantes, etc.


Dans la métaphore du Monopoly, 
le décalage entre riches et pauvres s’accroît jusqu’à l’absurde, 
puisque finalement, le riche élimine les pauvres et, 
se retrouvant seul, ne peut plus jouer. 
Même s’il dit qu’il a « gagné »,
c’est un jeu à mort collective.

 Si vous faisiez jouer à ce jeu
les dix sages les plus sages du monde, 
ils ne pourraient rien y changer,
car tout dépend de la règle
c’est-à-dire de l’architecture intrinsèque du système,
notamment en ceci : 
les joueurs dépendent d’une source extérieure
qui leur fournit l’outil de leurs propres transactions 
et, ce faisant, leur dicte sa loi.
.
.




jeudi 24 janvier 2019

Leçon d'économie pour enfants : l'ancêtre du Monopoly




Vous connaissez forcément le Monopoly...
Le Monopoly est un grand classique des jeux de société.
Au cours de la partie, chaque joueur achète des terrains
pour y construire des maisons, puis des hôtels, 
dans des quartiers plus ou moins huppés
et il fait payer les autres joueurs
qui passent sur ses propriétés.

Le but du jeu consiste tout simplement
à ruiner ses concurrents 
par des opérations immobilières,
afin d'obtenir, à terme,
le "monopole" des richesses.
Mais ce que vous ne savez peut-être pas, 
c'est que ce jeu a été créé  en 1935
par un dénommé Charles Darrow,  
qui s'est inspiré d'un autre jeu datant de 1904 :
(ou "jeu du propriétaire foncier")
d’Élizabeth Magie. 




Elisabeth Magie avait conçu ce jeu pour démontrer 
les conséquences habituelles de l'accaparement des terres. 
Elle s'inspirait des principes économiques 
énoncés par Henry George, 
tentant ainsi de démontrer que les rentes 
enrichissent les propriétaires fonciers 
et appauvrissent les locataires. 

Jugeant que des personnes pourraient éprouver des difficultés
 à comprendre pourquoi un tel système provoque cette conséquence, 
elle voulait leur enseigner ce qu'elles peuvent faire 
pour s'opposer à ce système.

Magie souhaitait également que les enfants 
perçoivent l'injustice d'un tel système 
et qu'ils puissent tirer des leçons 
qu'ils pourraient appliquer à l'âge adulte.
.
La Licorne
(et Wikipédia)
.




mercredi 23 janvier 2019

Inégalités : résumé en quelques images


























Eh, oui...c'est comme ça...
Dans ce domaine, on a ,
depuis longtemps,
franchi les limites de l'indécence...
Mais y'a quand même, dans tout ça, 
une mince lueur d'espoir :



...à bien y réfléchir,
les ultra riches ne sont que des ...parasites.

Bien qu'on tente de nous faire croire le contraire, 
Ce sont bien les gens de la base qui, en travaillant,
créent les richesses.

Ils n'ont donc pas BESOIN des riches.
Ce sont les riches qui ont besoin des pauvres.

.
La Licorne
.






lundi 21 janvier 2019

Les milliardaires toujours plus riches



La concentration de la richesse s’est encore accentuée en 2018 :
vingt-six milliardaires ont désormais entre leurs mains
autant d’argent que la moitié la plus pauvre de l’humanité,
a dénoncé, dimanche 20 janvier 2019,
l’ONG Oxfam.


« Le fossé qui s’agrandit entre les riches et les pauvres 
pénalise la lutte contre la pauvreté, 
fait du tort à l’économie et alimente la colère dans le monde »,
a affirmé Winnie Byanyima,
la directrice exécutive d’Oxfam international.


Les gouvernements « doivent s’assurer que les entreprises 
et les plus riches paient leur part d’impôts », a-t-elle ajouté,
 à l’occasion de la publication du traditionnel rapport annuel de l’ONG
sur les inégalités mondiales en amont du Forum économique mondial
(WEF, World Economic Forum)
 qui se tient jusqu’à vendredi à Davos (Suisse).




Selon les chiffres de l’ONG – dont la méthodologie,
qui se base sur les données publiées par la revue Forbes
et la banque Crédit suisse, est contestée par certains économistes
– vingt-six personnes disposent désormais d’autant d’argent
que les 3,8 milliards les plus pauvres de la planète ;
en 2017, ils étaient quarante-trois.


Le nombre de milliardaires a doublé depuis 2008

 

Quant à l’homme le plus riche du monde, Jeff Bezos,
patron d’Amazon (112 milliards de dollars en 2018, soit 98,5 milliards d’euros),
1 % de sa fortune correspond au « budget de santé de l’Ethiopie »,
insiste Oxfam.
D’une manière générale, la fortune des milliardaires dans le monde
a augmenté de 900 milliards de dollars en 2018,
soit au rythme de 2,5 milliards par jour,
alors que celle de la moitié la plus pauvre de la population de la planète
a chuté de 11 %.




Le nombre de milliardaires a d’ailleurs doublé depuis la crise financière de 2008,
a souligné Oxfam,
constatant que « les riches bénéficient non seulement d’une fortune en pleine expansion, 
mais aussi des niveaux d’imposition les moins élevés depuis des décennies ».
« Si la tendance était inversée, la plupart des gouvernements 
auraient suffisamment de ressources pour financer les services publics »,
a souligné l’ONG qui estime que « la richesse est tout particulièrement sous-taxée ».
 Elle a ainsi précisé que sur un dollar d’impôt sur le revenu,
seulement quatre centimes proviennent de la taxation de la richesse.

La taxation des plus riches fait débat

Selon Oxfam, qui estime que les plus riches cachent au fisc
7 600 milliards de dollars,
dans certains pays comme le Brésil ou le Royaume-Uni,
 « les 10 % les plus pauvres paient désormais des impôts plus élevés 
en proportion de leurs revenus que les plus riches ».
Ce rapport est publié à un moment où la taxation des plus grandes fortunes
suscite des débats dans plusieurs pays.



En France, le mouvement des « gilets jaunes » a relancé le débat
sur la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF)
par le président Emmanuel Macron.
Aux Etats-Unis, la députée démocrate Alexandria Ocasio-Cortez,
fraîchement élue, a proposé de taxer à 70 % les plus riches,
obtenant le soutien du Prix Nobel d’économie (2008), Paul Krugman.
.


Article "Le Monde"
.





Les raisons de la colère :
Denis Robert explique le scandale
du pillage de l'argent public
par les milliardaires :
(âmes sensibles s'abstenir)





Système monétaire : naufrage en vue ?




Le système monétaire actuel est un Titanic.
Piloté par quelques uns en haut d'une chaîne de pouvoir,
loin du jeu démocratique, obscur, fondé sur des idéologies du passé,
il démontre qu'une erreur de pilotage ici, une malveillance là,
une négligence générale de l'équipage
ont tôt fait de mener le navire à sa perte.
Avec tous ses passagers à bord.

Evidemment ceux qui sont en charge des commandes
font tout pour l'empêcher de couler.
On connaît la suite...

Notre système monétaire conventionnel ne durera plus très longtemps.
L'argent basé sur la dette et l'intérêt est un système instable, 
condamné à disparaître du fait de son déséquilibre intrinsèque
(par exemple le marché ne peut suivre le montant des intérêts à rembourser)...

L'argent est un système d'information,
fait pour mesurer et réguler des flux dans le monde réel.
En théorie, la rareté de l'argent 
n'est pas une caractéristique nécessaire.
 De fait, cette rareté est artificielle,
et ce bien que certaines ressources
(notamment le travail, ou la créativité)
soient abondantes.

L'argent devrait être en quantité suffisante
pour permettre de rendre compte des flux,
afin que dans les organisations, les collectivités,
les communes, régions...
partout où des richesses sont échangées,
elles puissent être prises en considération sans contrainte.
.
Jean-François Noubel
.



samedi 19 janvier 2019

Démocratie directe : exemple suisse


 La politique est l’art d’empêcher les gens
de se mêler de ce qui les regarde.
.
Paul Valéry
.




Est-il possible d'aller vers une vraie démocratie,
une démocratie dans laquelle le pouvoir
appartiendrait RELLEMENT au peuple,
et non à ses soi-disant représentants ?

La Suisse pratique depuis des années
une démocratie plus "directe" que la nôtre,
dans laquelle les citoyens sont invités très souvent
à proposer des idées, à donner leur avis
et à participer aux décisions. 

Un exemple à étudier de près
car il semble donner des résultats...
intéressants.
.
La Licorne
.



vendredi 18 janvier 2019

Le droit au sens




 
La folie de l'homme est finalement simple à définir : 
l'homme donne un sens à tout ce qui n'a pas de sens 
et n'accorde aucun sens à ce qui a un sens. 
Là se trouve la racine des guerres,
des totalitarismes, des fanatismes, de la violence,
 de la haine, de l'autodestruction 
- bref, de l'histoire.
.
Le premier droit de l'homme est le droit au sens.
Le caractère démocratique du sens est évident :
personne n'est détenteur du sens.
C'est pourquoi le sens est le fondement
de la future  démocratie universelle.

.

.


mardi 15 janvier 2019

L'Etat et les banques : les dessous d'un hold-up


Conférence d'Etienne Chouard et Myret Zaki
(décembre 2011)
.


Je vous propose ici une vidéo longue
mais ultra-importante si l'on veut comprendre
les rapports entre l'Etat et les banques
et de nombreux problèmes actuels, 
en particulier la guerre économique,
les racines de l'endettement des Etats...
et le pouvoir abusif des financiers et des lobbys.
.
La Licorne
.


(Suite : seconde vidéo de 2017)
.



Dérivés financiers, finance de l’ombre,
crash systémique,
monnaies (locale, scripturale, pleine),
banques centrales, keynésianisme,
 démocratie, constitution,
élections, tirage au sort,
sont les sujets qui sont abordés
lors de cette deuxième discussion.
.

Suite ICI
(questions du public)


lundi 14 janvier 2019

Médias


 
 
Le public n'est pas souverain dans le domaine des médias. 
Propriétaires et gestionnaires en quête de publicité décident de l'offre
 sur laquelle le choix du public devra se porter.

Les gens ne lisent et ne regardent généralement 
que ce qui est directement accessible
et bénéficie d'une promotion intensive. 
Les sondages indiquent régulièrement que le public 
– bien qu'il écoute et regarde ce qui lui est proposé – 
souhaiterait davantage de nouvelles, de documentaires 
et une information différente, moins de sexe et de violence
 et un autre genre de divertissements.

Il semble peu probable qu'il serait réellement indifférent aux citoyens 
de savoir pourquoi leurs revenus stagnent, voire déclinent, 
alors qu'ils travaillent de plus en plus dur ; 
pourquoi les soins médicaux auxquels ils ont accès 
sont aussi coûteux que médiocres ; 
ou encore négligent ce qui peut être perpétré en leur nom 
un peu partout dans le monde.




 
S'ils sont si peu au courant de tels sujets,
 le modèle de propagande explique pourquoi : 
ceux qui exercent leur souveraineté sur les médias 
ont décidé de ne pas aborder ce type de questions.
.

Noam Chomsky
"La fabrication du consentement"
De la propagande médiatique en démocratie
.
 
 




La Civilisation des machines a besoin, sous peine de mort, 
d'écouler l'énorme production de sa machinerie 
et elle utilise dans ce but - pour employer l'expression vengeresse
 inventée au cours de la dernière guerre mondiale par le génie populaire 
- des machines à bourrer le crâne.
 
Oh! Je sais, le mot vous fait sourire. 
Vous n'êtes même plus sensibles au caractère réellement démoniaque
 de cette énorme entreprise d'abêtissement universel, 
où l'on voit collaborer les intérêts les plus divers, 
des plus abjects aux plus élevés - 
Car les religions utilisent déjà les slogans.
 
Politiciens, spéculateurs, gangsters, marchands, 
il ne s'agit que de faire vite, d'obtenir le résultat immédiat,
 coûte que coûte, soit qu'il s'agisse de lancer une marque de savon,
 ou de justifier une guerre, ou de négocier un emprunt de mille milliards. 
(...)

Être informé de tout et condamné ainsi à ne rien comprendre,
tel est le sort des imbéciles. 
.
 
Georges Bernanos
"La France contre les robots"
.




samedi 12 janvier 2019

Quand l'Islande réinvente la démocratie


 


On en n'a pratiquement pas parlé dans les médias,
mais ces dernières années, il s'est passé quelque chose
d'extrêmement intéressant
en Islande :
.
Après la crise de 2008,
le peuple a fait démissionner
un gouvernement au grand complet.

Les principales banques ont été nationalisées
et il a été décidé de ne pas payer la dette
qu’elles avaient contractée auprès de banques
en Grande Bretagne et en Hollande,
dette générée par leur mauvaise politique financière.
.
Ensuite, une nouvelle constitution a été rédigée...
d'une façon tout à fait nouvelle :
elle a été discutée et "réinventée"
avec et pour la population, grâce à internet !
.

Du "jamais vu"...!!!

Une révolution pacifique
et une belle leçon de "vraie démocratie"
pour les autres pays !

.

La Licorne
.


vendredi 11 janvier 2019

Utopie ?




Dans le langage courant actuel, « utopique » veut dire impossible;
une utopie est une chimère, une construction purement imaginaire
dont la réalisation est, a priori, hors de notre portée.

Or, paradoxalement, les auteurs qui ont créé le mot,
puis illustré le genre littéraire inventé par Thomas More en 1516,
 avaient plutôt pour ambition d'élargir le champ du possible,
et d'abord de l'explorer.

Certes, l'utopie se caractérise par un recours à la fiction
qui consiste à décrire une société idéale dans une géographie imaginaire,
souvent dans le cadre d'un récit de voyage purement romanesque.
Mais imaginaire ou fictif ne veut pas dire impossible :
tout rêve n'est pas chimère.




« L'utopie est la vérité de demain »,
 « Utopie aujourd'hui, chair et os demain », 
« Mais, qu'on ne l'oublie pas,
quand elles vont au même but que l'humanité,
 c'est-à-dire vers le bon, le juste et le vrai, 
les utopies d'un siècle sont les faits du siècle suivant » .


Ces citations de Victor Hugo, 
infirmant l'équation habituelle (utopie = rêve irréalisable), 
insistent sur la volonté de réformer l'ordre existant en profondeur. 
Le recours à la fiction est un procédé qui permet de prendre ses distances 
par rapport au présent pour mieux le relativiser et de décrire, 
d'une manière aussi concrète que possible, ce qui pourrait être.


Et l'épanouissement du genre utopique correspond 
à une période où l'on pense, justement, que, 
plutôt que d'attendre un monde meilleur dans un au-delà providentiel, 
les hommes devraient construire autrement
 leurs formes d'organisation politique et sociale 
pour venir à bout des vices, des guerres et des misères.


En ce sens, les descriptions qu'ils proposent, 
dans lesquelles ils font voir des cités heureuses bien gouvernées, 
visent à convaincre leurs lecteurs 
que d'autres modes de vie, d'autres mondes sont possibles.


Georges Bertin


mercredi 9 janvier 2019

Bâtir une nouvelle société


Il ne suffit plus de dénoncer. Il nous faut désormais énoncer.
Il ne suffit pas de rappeler l’urgence.
Il faut aussi savoir commencer,
et commencer par définir les voies susceptibles
de conduire à la Voie.
.
Edgar Morin




L’écologie fait de plus en plus partie de notre vie,
le besoin de protéger notre environnement alimente les débats
et suscite une inquiétude croissante, il est urgent de changer de rythme 
si nous voulons éviter une aggravation exponentielle de ces dangers.
Pour ces raisons, il nous semble plus que jamais nécessaire
de "Bâtir une nouvelle société".


Bâtir une nouvelle société, c’est refonder la politique de l’environnement,  
placer les préoccupations de long terme et des générations futures 
au cœur du projet de notre société.

 Bâtir une nouvelle société c’est permettre aux hommes
de vivre dans la dignité,
dans la solidarité et le partage.

Bâtir une nouvelle société,
c’est inventer un nouveau mode de développement
fondé sur les changements dans les modes de production 
et de consommation
et cela dans tous les domaines :
énergie, transport, logement, agriculture, santé…

Bâtir une nouvelle société, c’est instaurer une démocratie écologique,
c'est-à-dire développer une nouvelle gouvernance,
 considérant que tous les citoyens sont concernés
à la fois comme victimes et acteurs des crises environnementales.

Bâtir une nouvelle société, c’est travailler sur l’idée de réconciliation.
 Réconciliation entre le pouvoir et les citoyens.
Réconciliation entre l’esprit d’entreprise et l’esprit de partage.
Réconciliation entre l’homme et la nature.

Enfin, bâtir une nouvelle société,
c’est le retour à la rêverie, au temps long, à la fragilité,
 au doute, à l’humilité, au respect et à l’altruisme.

.
Olivier Breteau
"Journal intégral" 
Le printemps du nouveau monde


mardi 8 janvier 2019

Décomposition et régénération

Partout, les forces de dislocation et de décomposition progressent. 
et un peu partout celles-ci surgissent à la base des sociétés.

Partout, les forces de résistance, de régénération, 
d'invention, de création se multiplient,
 mais dispersées, sans liaison, sans organisation, sans centres, sans tête.
Par contre, ce qui est administrativement organisé, hiérarchisé, centralisé 
est sclérosé, aveugle, souvent répressif.

Edgar Morin
.



lundi 7 janvier 2019

Vers quel changement ?



Dans un article sur le mouvement des "Gilets Jaunes
paru dans Le Monde du 4 Décembre, Edgar Morin écrit ceci :

Le seul avenir de ce mouvement, s'il est encore pensable,
 aurait été de se doter d'un diagnostic pertinent sur les causes d'un mal 
qui, certes, a ses spécificités françaises mais est plus général :

la dégradation n'est pas seulement celle de la biosphère, 
elle est celle de la sociosphère, celle de l'anthroposphère, 
celle de la noosphère (sphère des activités de l'esprit) :

il s'agit d'une énorme crise de civilisation 
et d'une énorme crise de l'humanité 
suscitée par une mondialisation déchaînée...
.



Le plus difficile n'est pas de changer de cap, 
ce n'est pas de changer de politique, 
c'est de changer de mentalité, 
autrement dit de structure de pensée. 
C'est pourtant ce qui le sauverait et nous sauverait.

 Tweet d'Edgar Morin 
(9/12/18)



La notion de métamorphose 
est plus riche que celle de révolution.
.
Edgar Morin
"La Voie"
.
 Olivier Breteau
"Journal intégral"
.



dimanche 6 janvier 2019

Tondus



 
Il y a deux sortes de bergers
parmi les pasteurs des peuples:
ceux qui s'intéressent à la laine
et ceux qui s'intéressent aux gigots.
Aucun ne s'intéresse aux moutons.
.
Henri Rochefort
.

Le peuple est las d'un gouvernement
qui le ruine et ne fait rien pour lui.
.
Anatole France
.


Sortir de notre impuissance politique


Je vous partage ici un article de Mediapart qui a deux ans déjà,
mais qui, je le crois peut être fort utile dans notre actualité...
Il analyse les bases de notre impuissance politique
et donne des pistes pour y remédier...


Depuis quelques années, lorsque nous nous situons 
dans le camp du progrès et de l'émancipation, nous perdons les combats.
 Si nous voulons sortir de cette situation d’impuissance et d’anxiété, 
il faut procéder à un réexamen de notre rapport à la politique 
et inventer de nouvelles pratiques politiques.



20 février 2016

La pensée critique a toujours constitué
comme l'une de ses questions essentielles
 celle du présent.

Mais il y a, bien sûr, différentes manières d'élaborer
 un diagnostic de l'actualité,
de comprendre ce qui nous arrive et d’y réagir -
et c'est dans cet espace de dissensus que s'ouvre le débat intellectuel.
Même s’il faut toujours se méfier des déclarations dramatiques,
 il n’en demeure pas moins que tout laisse à penser que nous vivons aujourd’hui
un moment critique que nous devons regarder en face.
 Nous sommes placés dans une situation historique
qui impose de nous interroger radicalement sur ce que nous sommes,
sur nos manières de penser, sur nos façons d’agir – sur notre état d’esprit.

Impuissance

 S'il fallait caractériser d'un mot la situation politique contemporaine
et l'expérience que nous en avons,  j'utiliserais le concept d’impuissance.
Depuis plusieurs mois, et même plusieurs années, dans presque tous les domaines,
les Etats mettent en place des mesures guidées par des logiques
que nous savons être dangereuses, nocives ou non éthiques.
Et pourtant, nous avons du mal à les combattre,
ou à orienter les gouvernements vers des solutions plus acceptables.

Les exemples récents ne manquent pas :
la gestion autoritaire et absurde de la dette des Etats Européennes,
notamment en Grèce ;
la crise de l'accueil des migrants, qui a débouché sur la restauration
de frontières, de murs et de camps en Europe,
la mise en place à l’échelle mondiale de programmes de surveillance de masse
 et de contrôle de l’Internet, et enfin, en France, il y a deux mois,
l'instauration de l’état d’urgence…

Bien sûr, il n’y a rien de nouveau à ce que les Etats soient animés par des logiques
contre lesquelles nous nous battons. Mais ce qui est spécifique, ou ce qui s’accroit,
c’est notre incapacité à influencer le cours des choses.
Lorsque nous intervenons, lorsque nous protestons, lorsque nous manifestons,
cela débouche de moins en moins sur des transformations effectives.
Il faut regarder le présent avec lucidité.

Il ne faut pas se raconter d’histoire comme nous avons parfois tendance à le faire
pour ne pas tomber dans une forme de désespoir. Il faut partir de la vérité :
depuis quelques années,  lorsque nous nous situons
dans le camp du progrès et de l'émancipation, nous perdons les combats.
Nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, vivent leur vie politique
sur le mode du désarroi et de la tristesse.
Comme je l’écrivais en septembre dans Le Monde
dans un manifeste publié avec Edouard Louis,
faire l’expérience de la politique, pour la plupart d’entre nous, désormais,
 c’est faire l’expérience de l’impuissance.

Evidemment, nous ne sommes pas, en tant qu’intellectuels, artistes,
 écrivains, journalistes, militants, etc. responsables de tout.
Des responsabilités se situent au niveau des mécanismes de la raison d’Etat,
de l’autarcie du champ politique, des idéologies propagées par le champ médiatique.
Mais nous ne pouvons pas nous arrêter à ce type d’analyse.
Si nous voulons sortir de notre situation d’impuissance et d’anxiété,
il faut procéder à un réexamen de notre rapport à la politique.

Au fond, je me demande si nous ne sommes pas tellement habitués à perdre
que nous n’interrogeons plus sur cette situation.
Nous thématisons nos échecs  comme des évidences.
Or il faut politiser cette question.

Nous devons nous demander pourquoi la politique émancipatrice
semble condamnée à une forme d’impuissance
- et comment cela pourrait être autrement.

Trois dimensions essentielles.


1.Actions


 Penser notre impuissance politique impose d’abord de réfléchir sur nos modes d’actions.
Nous tirons trop peu les conséquences du fait que l’espace de la contestation
 est peut être l’un des plus codifiés de la vie sociale :
 les protestations se déroulent selon des formes établies.

Des institutions, solidement installées,
structurent le temps et l’espace de la contestation démocratique.
La grève, la manifestation, la pétition, le lobbying, le sit in, la désobéissance civile,
même l’émeute violente etc. constituent des formes rituelles et reconnues.
Autrement dit, nous vivons dans un champ politique tel que l’expression de la dissidence
 est déjà inscrite dans le système et donc en un sens programmée par lui.
Nous devons nous interroger sur ce que nous faisons
lorsque nous utilisons les modes institués de la contestation démocratique.

Est-ce que nous agissons?
Ou est-ce que nous nous contentons de protester,
d'exprimer notre désaccord
– avant de rentrer chez nous ?

Si nos protestations ne changent rien - ou, en tout cas,
n'ont d'effets réels qu'exceptionnellement
- cela ne signifie-t-il pas que les formes d'actions traditionnelles fonctionnent
comme des pièges et des ruses de la raison étatique :
lorsque nous y recourrons, nous avons le sentiment d'avoir agi
quand, en réalité,  nous n'avons rien fait de plus 
qu'exprimer notre mécontentement.

D’autre part, ces formes ne se sont-elles pas routinisées avec le temps ?
N’ont-elles pas perdu leur efficacité ?
Si nous voulons mettre en crise l’Etat, ne devons-nous pas
inventer des modes de protestation qui surprendraient l’Etat
et ne seraient plus prescrits par le système ?


2.Temps


Repenser notre rapport à la politique impose aussi de réfléchir en termes
de stratégie et de temporalité.
Je suggère ainsi que si nous perdons les batailles,
c’est peut-être parce que nous ne cessons de nous situer 
par rapport à l’Etat et en fonction des actions de l’Etat.

Nous vivons une telle époque de régression que la critique politique
se limite souvent à réagir aux réactions de l'État.
Nous nous constituons comme groupe politique par rapport à ce que fait l’Etat.
C'est donc l'État qui fixe les termes du débat, qui fixe la temporalité politique,
 qui fixe les sujets dont nous débattons.

La critique se trouve placée en position réactive et secondaire.
C'est la raison pour laquelle l'État domine : il s'impose à nous
et, stratégiquement, nous ne sommes plus capables de nous imposer à lui.
Nous ne pourrons sortir de notre état de dépossession
que si nous transformons  notre rapport au temps.
Il faut trouver des moyens de résister à l’Etat sans réagir à l’Etat.
Nous  devons faire attention à ne pas nous situer, toujours, par rapport à l'État.

 Nous devons essayer de le surprendre, d'imposer notre propre rythme,
de l'attaquer là où il ne s’y attend pas,
 de faire émerger des thèmes auquel il ne pense pas…
Bref, il faut  instaurer une nouvelle temporalité politique.

3. Théorie critique

Enfin, et c'est peut-être le plus important, nous devons questionner le langage,
les modes d’analyses que nous déployons et la manière
dont ils construisent notre rapport à ce qui arrive.
Si nous voulons inventer un nouvel état d’esprit et sortir de notre état d’anxiété,
nous devons redéfinir l’espace de la théorie et de la critique.
Ma thèse serait que les narrations dominantes utilisées pour saisir le présent
 ont tendance à bloquer nos capacités de résistances plutôt qu'à les rendre vivantes.

La question du vocabulaire de la critique m'intéresse beaucoup,
notamment depuis mon livre sur Foucault et le néolibéralisme :
 Je m’y interroge sur ce que signifie élaborer une critique non passéiste du présent
et donc non réactionnaire du néolibéralisme :
 comment peut-on critiquer le présent sans ériger le passé comme norme
et comme référence valorisée ?
Je crois que  notre impuissance politique contemporaine provient du fait que,
dans la plupart des domaines, nous avons du mal
à proposer une critique intégrale du passé et présent –
et donc une critique imaginative.

Certes, il serait injuste de dire qu’une large partie des théoriciens critiques sont passéistes.
 Mais il n’est pas faux de relever que la façon
dont les opérations de pouvoir sont codées
a pour conséquence que l’on en vient souvent à constituer comme référence positive
 un ordre préalable ou connu qui devrait pourtant, lui aussi, être mis en question.

Dans le vocabulaire contemporain, les opérations du pouvoir
sont pensées en termes négatifs, comme quelque chose
 qui retire quelque chose à ce qui est déjà là :
le pouvoir défait, détruit, démantèle, supprime, fragilise.

Par exemple, dans les analyses sur le néolibéralisme,
la rationalité néolibérale est présentée comme produisant une érosion des institutions,
un délitement des valeurs qui servaient auparavant de cadres collectifs
(les lois étatiques, le droit du travail, les normes morales, le welfare state,)
 ou encore une destruction de quelque chose
comme le Commun, l'espace public, le politique,  etc.
 autant de formes traditionnelles eo ipso constituées comme des référents positifs.

 Prenons un autre exemple : celui des programmes de surveillance de masse.
La critique des Etats et des agences de renseignements consiste bien souvent
à mettre en cause leur tendance à « démanteler »
les protections traditionnelles de la vie privée
et à « remettre en question » les limites 
au pouvoir  d’intrusion de l’Etat
dans nos vies et notre intimité.

Et donc ces « protections » et ces « limitations » en viennent à fonctionner
 comme des critères que nous utilisons
pour caractériser la négativité de la situation actuelle.
La rhétorique que j’interroge est présente en ce moment en France
avec les débats autour de « l'état d'urgence ».
Depuis les attentats de novembre, le gouvernement  a déclaré « l’état d’urgence »,
 qui permet de donner beaucoup plus de pouvoir à la police,
 à l’administration au détriment du pouvoir judiciaire.
C’est bien sûr très grave.

Mais la critique se limite souvent à dire que ces décisions créent
 de l’arbitraire par rapport au droit commun.
Mais dès lors, résister à ces mesures conduit à valoriser le retour au droit commun,
à présenter le juge traditionnel comme le garant de la liberté
et le pouvoir judiciaire comme une instance protectrice.
Quand on critique une situation en la qualifiant d’exceptionnelle,
 on a tendance à vouloir retrouver, et donc conserver, 
l’ordre normal qui était là avant,
 alors que c'est précisément lui qu'il faut attaquer :
le droit commun contient, en effet, peut-être autant d'arbitraire
que l'état d'exception, mais nous ne le voyons pas.

Bien entendu, je ne nie pas qu’il peut exister des « régressions »
et que le passé peut parfois être jugé « meilleur » que le présent.
Mais si nous voulons élaborer un nouvel état d’esprit politique,
nous devons faire émerger d’autres narrations du pouvoir.
Nous devons nous passer des concepts « négatifs »
comme ceux  de « démantèlement », de « destruction »,
de « réduction », de « précarisation », d' « exception »,  etc.

Ce vocabulaire conduit en effet, logiquement, à constituer un état antérieur
des rapports de pouvoir comme norme à partir de laquelle la critique s’énonce.
 C’est donc un mode de critique très particulier,
qui suppose comme condition d’énonciation de ne pas critiquer
 (ou de ne plus coder comme critiquable) 
l’état antérieur des rapports de pouvoir.

Dès lors, petit à petit, nous cédons du terrain :
l’ordre passé, que nous critiquions,
devient la référence positive et construite comme telle.
L’Etat, petit à petit, gagne du terrain.
Et nous nous privons alors d'une capacité
 à imaginer une autre configuration possible.

Aujourd’hui, nos modes d’actions,
notre rapport au temps, notre narration du pouvoir
 fonctionnent d’une manière paradoxale :
dans le moment même où nous nous constituons comme sujet politique,
 nous nous constituons comme sujets dominés
 par le système du pouvoir et par l’Etat.
 C’est ce qui explique la répétition de nos échecs.


Inspiration


Devant un tel constat, on pourrait être désespéré. Je ne le crois pas.
D’abord parce qu’il est beaucoup moins désespérant d’être lucide
que de se mentir à soi-même, de stagner
et de répéter sempiternellement les mêmes erreurs.
Mais surtout, également, parce que l’expérimentation
de nouveaux modes d’action politique
 ne relève pas de l'utopie.

Au contraire : dans l’actualité récente, des interventions ont existé,
qui peuvent nous servir comme source d’inspiration
pour nous réinventer comme sujets politique.
Une partie importante de la théorie contemporaine concentre son attention
sur les grands et importants rassemblements populaires comme Occupy,
les Indignés ou les printemps arabes.

Mais on peut se demander si cette attention ne conduit pas à ratifier
 tout ce qu’il y a de plus traditionnel politiquement, en termes de scénographie,
de formes d’actions, de catégories (le « Nous », le « Peuple », le « Collectif »).
 C’est la raison pour laquelle je crois qu’il est peut-être possible
de redéfinir notre vie politique en s’inspirant d’autres exemples :
je pense aux gestes de Snowden, d’Assange, et de Manning,
aux combats contre la surveillance, aux fuites de WikiLeaks, etc.
Je ne dis pas que ces modes d’actions doivent être érigés comme des modèles.
 Nous devons les utiliser comme des instruments
 pour réinventer un art général de l’insoumission,
pour réapprendre à nous battre dans tous les domaines
(économiques, sexuelles, raciaux, urbains, etc.)

Qu’y a-t-il en effet de puissant dans les vies de Snowden, Assange et Manning ?
 Ils ont instauré une rupture avec les règles imposées du jeu politique.
Ils ont été le plus loin dans une forme d’autonomie politique,
c’est-à-dire d’invention d’eux-mêmes en dehors des cadres prescrits.

 Ils ont, d’abord, modifié le temps politique : ils ont pris l'État par surprise.
La contestation est venue de là où l’Etat ne l’attendait pas.
Les lanceurs d’alerte sont des insiders, des conformistes,
des individus intégrés dans les institutions et non des outsiders
ou des contestataires traditionnels.

Snowden, Assange et Manning ont aussi imposé leur agenda.
Ils ont posé des questions que l’Etat ne voulait pas poser et même voulait cacher.
Et ils ont agi, enfin, selon des modalités qui déstabilisent la démocratie libérale :
on peut mentionner le rôle de l’anonymat, qui est une manière de refuser
 le caractère public de la politique, l’identification du sujet dissident
et qui met en question le fonctionnement traditionnel de l’espace public.

On peut penser aux gestes de sédition de Snowden et d’Assange,
qui traduit une volonté d’échapper non seulement au système pénal
mais aussi aux appartenances imposées
et à l'idée selon laquelle nous devons toujours,
 en dernière instance, reconnaître le droit que se donne l'Etat
de juger de nos actions politiques et de leur légalité.

Si nous voulons sortir de notre impuissance politique
et faire émerger un nouvel état d’esprit,
 je crois que nous devrions constituer ces activistes
comme des sources d’inspiration.
Ce n’est sans doute pas la seule voie.
Mais c’en est une, et importante.
Car notre objectif doit être d’être capable de faire,
dans tous les domaines, comme eux :

 Placer l’Etat en état de dépossession par rapport à nous
et le forcer  à réagir à ce que nous décidons de faire ;
 inventer une pratique de la résistance
que nous ne recevons pas de l’histoire
 mais que nous nous donnons à nous-mêmes
– et qui ne soit plus uniquement oppositionnelle et expressive
 mais aussi inventive et active.

En un mot, élaborer une pratique politique autonome
- et, par là même puissante et effective.
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Geoffroy de Lagasnerie


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