Dans le langage courant actuel, « utopique » veut dire impossible;
une utopie est une chimère, une construction purement imaginaire
dont la réalisation est, a priori, hors de notre portée.
Or, paradoxalement, les auteurs qui ont créé le mot,
puis illustré le genre littéraire inventé par Thomas More en 1516,
avaient plutôt pour ambition d'élargir le champ du possible,
et d'abord de l'explorer.
Certes, l'utopie se caractérise par un recours à la fiction
qui consiste à décrire une société idéale dans une géographie imaginaire,
souvent dans le cadre d'un récit de voyage purement romanesque.
Mais imaginaire ou fictif ne veut pas dire impossible :
tout rêve n'est pas chimère.
« L'utopie est la vérité de demain »,
« Utopie aujourd'hui,
chair et os demain »,
« Mais, qu'on ne l'oublie pas,
quand elles vont au même but que l'humanité,
quand elles vont au même but que l'humanité,
c'est-à-dire vers le bon, le juste et le vrai,
les
utopies d'un siècle sont les faits du siècle suivant » .
Ces citations de Victor Hugo,
infirmant
l'équation habituelle (utopie = rêve irréalisable),
insistent sur la volonté de
réformer l'ordre existant en profondeur.
Le recours à la fiction est un procédé
qui permet de prendre ses distances
par rapport au présent pour mieux le
relativiser et de décrire,
d'une manière aussi concrète que possible, ce qui pourrait être.
Et
l'épanouissement du genre utopique correspond
à une période où l'on pense,
justement, que,
plutôt que d'attendre un monde meilleur dans un au-delà
providentiel,
les hommes devraient construire autrement
leurs formes
d'organisation politique et sociale
pour venir à bout des vices, des guerres et
des misères.
En ce sens, les descriptions qu'ils proposent,
dans lesquelles ils
font voir des cités heureuses bien gouvernées,
visent à convaincre leurs
lecteurs
que d'autres modes de vie,
d'autres mondes sont possibles.
Georges Bertin
Georges Bertin
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