samedi 9 février 2019

Insurrection et feu sacré



 
Quelles que soient les scories 
que comporte le mouvement des gilets jaunes, 
quels que soient les parasitages dégradants, 
voyons que, 
dans le soudain redressement des courbés, 
dans la vocifération des ignorés, 
dans l’exaspération des derniers de cordée, 
il y a la revendication d’hommes et de femmes,
 de vieux et de jeunes, d’être reconnus 
comme êtres humains à part entière.

 



Ces paroles d'Edgar Morin font écho à celles
prononcées par la philosophe Simone Weil 
qui témoigne de la grève des ouvrières de la métallurgie
durant le Front Populaire en 1936 :
"Dans ce mouvement, il s'agit de bien autre chose 
que telle ou telle revendication particulière, si importante soit-elle... 
 Il s'agit, après avoir toujours plié, tout subi, tout encaisser en silence
 pendant des mois, des années, d'oser se redresser, se tenir debout. 
Prendre la parole à son tour."

Que peut-on comprendre à l’insurrection des consciences 
en réduisant la force insurrectionnelle aux formes à travers lesquelles elle se manifeste ? 
Bien au-delà du prix de l’essence, le vrai problème c’est la perte de l’essentiel 
qui donne un sens à la vie et une cohésion aux communautés humaines. 
 Perdre l’essentiel c’est réduire l’être humain
 à sa fonction économique de producteur/consommateur
 mais c’est aussi fragmenter les communautés humaines 
en monades individuelles et isolées 
qui en viennent d’abord à s’ignorer puis à se combattre.


L'insurrection des consciences n'est pas  réductible
 au redressement de la courbe du chômage
ou à celle du pouvoir d'achat. 
Elle vise à redresser la tête des hommes,
courbés sous le joug d'un système inhumain, 
afin qu'ils puissent retrouver le sens d'une verticalité 
sans laquelle aucune dignité n'est concevable.




C'est la réaction d'une vitalité créatrice à  la violence technocratique 
qui nie la dignité et la sensibilité des individus 
en contestant leur qualité d’être humain 
pour les réduire à une fonction de simples agents économiques 
dans la grande mécanique du marché.

"Quand on prive les gens de dignité, 
vient un moment donné où ils demandent réparation" 
Michel Onfray.
(...)



Dans les grandes cultures traditionnelles, 
l’être humain est considéré comme un organisme vivant, sentant et conscient 
à l’intérieur duquel s’opère une circulation d’énergie 
entre ces deux pôles, matériel et spirituel, que sont la Terre et le Ciel. 
 Cette circulation énergétique - de bas en haut (transmutation) 
et de haut en bas (inspiration) - s’effectue à travers divers strates : 
la matérialité physique (pied), le feu de la vie (sexe), 
la lumière de l’âme (cœur) et la vibration de l’esprit (tête).



Quand le fétichisme de l'abstraction cristallise le mental 
jusqu'à le couper d'une inspiration supérieure, 
celui-ci se transforme en une sorte de "coiffe" intellectuelle 
(rationaliste et technocratique) 
qui empêche la libre circulation de l’énergie vitale entre Terre et Ciel. 
Ce qui a pour conséquence une pression et une compression énergétique 
à l’origine des nombreux problèmes individuels et collectifs 
évoqués précédemment.

Si on peut qualifier l'insurrection de feu sacré, 
c'est qu'elle relève d'une poussée verticale propre à l'instinct vital. 
L'étymologie permet de mieux comprendre cette dynamique 
puisque le mot "insurrection" est emprunté au bas latin "insurrectio" :
 "action de s'élever" (in : dans ou vers et surgere : surgir). 
Ce mouvement d'insurrection naît du surgissement intérieur
 des forces créatrices de la vie 
animées par le souffle libérateur de l'esprit.
 
Issue des profondeurs de l’instinct vital, une énergie insurrectionnelle 
 va donc chercher à transformer, à renverser, voire à détruire, 
tout ce qui entrave la circulation harmonieuse 
entre les racines telluriques et les branches spirituelles 
de cet arbre de vie et de connaissance qu’est l’être humain.




L'énergie insurrectionnelle émerge des profondeurs instinctives
comme un feu sacré en quête du souffle inspiré 
qui permet à la vie de se libérer de la pesanteur matérielle. 
Cet élan libérateur et transcendant qui anime la force insurrectionnelle 
fait qu’elle est absolument irréductible aux diverses formes 
auxquelles on voudrait la réduire et dans lesquelles on voudrait l’enfermer.

L'insurrection c'est - dans le double sens du terme

 - la manifestation de la vie/esprit 
contre tout ce qui l'empêche de se développer.

L'énergie insurrectionnelle émerge des profondeurs instinctives 
comme un feu sacré en quête du souffle inspiré 
qui permet à la vie de se libérer de la pesanteur matérielle. 
Cet élan libérateur et transcendant qui anime la force insurrectionnelle 
fait qu’elle est absolument irréductible aux diverses formes 
auxquelles on voudrait la réduire et dans lesquelles on voudrait l’enfermer.

 Le sens de la vie est celui de son développement continu. 
Quand ce développement est interrompu, le sens est interdit. 
C'est cette interdiction que transgresse le feu sacré à travers un puissant élan vital 
qui libère la parole, la pensée et l'action.





Effrayés par les incendies à travers lesquels il se manifeste, 
les technocrates cherchent à éteindre ce feu sacré 
au lieu de le canaliser pour en faire le moteur d'un saut évolutif 
rendu nécessaire par la crise de civilisation 
et les risques d'effondrement qu'elle préfigure.

Tous les grands visionnaires qui ont fait évoluer l’humanité 
furent des insurgés contre l’ordre établi, 
qu’il soit social ou politique, culturel ou spirituel.
Rien de grand n’a été fait dans l’histoire
qui ne soit animé par ce feu sacré capable de renverser et de transformer 
 les formes dégénérées qui font obstacle à la force créatrice de la vie/esprit. 
Cette "puissance destituante" du feu sacré est toujours synchrone
 à l'émergence de formes inédites
 à travers lesquelles se manifeste cette force créatrice
(...) 




« Il y a dans toute lutte un côté que l’on peut nommer spirituel… 
 C’est cet aspect symbolique qui est le cœur battant 
de ces régulières révoltes des peuples, 
dont le phénomène des gilets jaunes est l’expression contemporaine. 
Cet aspect est la ressource indomptable de la force morale. »
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