mardi 31 mars 2020

Message de Coline Serreau





LE MONDE QUI MARCHAIT SUR LA TÊTE 
EST EN TRAIN DE REMETTRE SES IDÉES A L’ENDROIT


Le gouvernement gère l'épidémie comme il peut… mais les postures guerrières sont souvent inefficaces en face des forces de la nature. Les virus sont des êtres puissants, capables de modifier notre génome, traitons-les sinon avec respect, du moins avec modestie.
Apprenons à survivre parmi eux, à nous en protéger en faisant vivre l'espèce humaine dans des conditions sanitaires optimales qui renforcent son immunité et lui donnent le pouvoir d'affronter sans dommage les microbes et virus dont nous sommes de toute façon entourés massivement, car nous vivons dans la grande soupe cosmique où tout le monde doit avoir sa place. La guerre contre les virus sera toujours perdue, mais l'équilibre entre nos vies et la leur peut être gagné si nous renforçons notre système immunitaire par un mode de vie non mortifère.

Dans cette crise, ce qui est stupéfiant c’est la rapidité avec laquelle l'intelligence collective et populaire se manifeste.

En quelques jours, les français ont établi des rites de remerciement massivement suivis, un des plus beaux gestes politiques que la France ait connus et qui prolonge les grèves contre la réforme des retraites et l'action des gilets jaunes en criant haut et fort qui et quoi sont importants dans nos vies.
Dans notre pays, ceux qui assurent les fonctions essentielles, celles qui font tenir debout une société sont sous-payés, méprisés. Les aides-soignantes, les infirmières et infirmiers, les médecins qui travaillent dans les hôpitaux publics, le personnel des écoles, les instituteurs, les professeurs, les chercheurs, touchent des salaires de misère tandis que des jeunes crétins arrogants sont payés des millions d'euros par mois pour mettre un ballon dans un filet.

Dans notre monde le mot paysan est une insulte, mais des gens qui se nomment "exploitants agricoles" reçoivent des centaines de milliers d'euros pour faire mourir notre terre, nos corps et notre environnement tandis que l'industrie chimique prospère.

Et voilà que le petit virus remet les pendules à l'heure, voilà qu'aux fenêtres, un peuple confiné hurle son respect, son amour, sa reconnaissance pour les vrais soldats de notre époque, ceux qui sont prêts à donner leur vie pour sauver la nôtre alors que depuis des décennies les gouvernements successifs se sont acharnés à démanteler nos systèmes de santé et d'éducation, alors que les lobbies règnent en maîtres et arrosent les politiques avec le fric de la corruption.

Nous manquons d'argent pour équiper nos hôpitaux, mais bon sang, prenons l'argent où il se trouve, que les GAFA payent leurs impôts, qu'ils reversent à la société au minimum la moitié de leurs revenus. Car après tout, comment l'ont-ils gagné cet argent ? Ils l'ont gagné parce qu'il y a des peuples qui forment des nations, équipées de rues, d'autoroutes, de trains, d'égouts, d'électricité, d'eau courante, d'écoles, d'hôpitaux, de stades, et j'en passe, parce que la collectivité a payé tout cela de ses deniers, et c’est grâce à toutes ces infrastructures que ces entreprises peuvent faire des profits. Donc ils doivent payer leurs impôts et rendre aux peuples ce qui leur est dû.
Il faudra probablement aussi revoir la question de la dette qui nous ruine en enrichissant les marchés financiers. Au cours des siècles passés les rois de France ont très régulièrement décidé d'annuler la dette publique, de remettre les compteurs à zéro.

Je ne vois pas comment à la sortie de cette crise, quand les comptes en banque des petites gens seront vides, quand les entreprises ne pourront plus payer leurs employés qui ne pourront plus payer les loyers, l'électricité, le gaz, la nourriture, comment le gouvernement pourra continuer à gaspiller 90% de son budget à rembourser une dette qui ne profite qu'aux banquiers.
J'espère que le peuple se lèvera et réclamera son dû, à savoir exigera que la richesse de la France, produite par le peuple soit redistribuée au peuple et non pas à la finance internationale. Et si les autres pays font aussi défaut de leur dette envers nous, il faudra relocaliser, produire de nouveau chez nous, se contenter de nos ressources, qui sont immenses, et détricoter une partie de la mondialisation qui n'a fait que nous appauvrir.

Et le peuple l'a si bien compris qu'il crie tous les soirs son respect pour ceux qui soignent, pour la fonction soignante, celle des mères, des femmes et des hommes qui font passer l'humain avant le fric.
Ne nous y trompons pas, il n'y aura pas de retour en arrière après cette crise.
Parce que malgré cette souffrance, malgré ces deuils terribles qui frappent tant de familles, malgré ce confinement dont les plus pauvres d'entre nous payent le plus lourd tribut, à savoir les jeunes, les personnes âgées isolées ou confinées dans les EHPAD, les familles nombreuses, coincés qu'ils sont en ville, souvent dans de toutes petites surfaces, malgré tout cela, le monde qui marchait sur la tête est en train de remettre ses idées à l'endroit.
Où sont les vraies valeurs ? Qu'est-ce qui est important dans nos vies ?
Vivre virtuellement ? Manger des produits issus d'une terre martyrisée et qui empoisonnent nos corps ?
Enrichir par notre travail ceux qui se prennent des bonus faramineux en gérant les licenciements ?
Encaisser la violence sociale de ceux qui n'ont eu de cesse d'appauvrir le système de soin et nous donnent maintenant des leçons de solidarité ?

Subir une médecine uniquement occupée à soigner les symptômes sans se soucier de prévention, qui bourre les gens de médicaments qui les tuent autant ou plus qu'ils ne les soignent ? Une médecine aux ordres des laboratoires pharmaceutiques ?
Alors que la seule médecine valable, c’est celle qui s'occupe de l'environnement sain des humains, qui proscrit tous les poisons, même s'ils rapportent gros. Pourquoi croyez-vous que ce virus qui atteint les poumons prospère si bien ? Parce que nos poumons sont malades de la pollution et que leur faiblesse offre un magnifique garde-manger aux virus.

En agriculture, plus on cultive intensivement sur des dizaines d'hectares des plantes transformées génétiquement ou hybrides dans des terres malades, plus les prédateurs, ou pestes, les attaquent et s'en régalent, et plus il faut les arroser de pesticides pour qu'elles survivent, c’est un cercle vicieux qui ne peut mener qu'à des catastrophes.
Mais ne vous faites pas d'illusions, on traite les humains les plus humbles de la même façon que les plantes et les animaux martyrisés.

Dans les grandes métropoles du monde entier, plus les gens sont entassés, mal nourris, respirent un air vicié qui affaiblit leurs poumons, plus les virus et autres "pestes" seront à l'aise et attaqueront leur point faible : leur système respiratoire.
Cette épidémie, si l'on a l'intelligence d'en analyser l'origine et la manière de la contrer par la prévention plutôt que par le seul vaccin, pourrait faire comprendre aux politiques et surtout aux populations que seuls une alimentation et un environnement sains permettront de se défendre efficacement et à long terme contre les virus.

Le confinement a aussi des conséquences mentales et sociétales importantes pour nous tous, soudain un certain nombre de choses que nous pensions vitales se révèlent futiles. Acheter toutes sortes d'objets, de vêtements, est impossible et cette impossibilité devient un bonus : d'abord en achetant moins on devient riches.
Et comme on ne perd plus de temps en transports harassants et polluants, soudain on comprend combien ces transports nous détruisaient, combien l'entassement nous rendait agressifs, combien la haine et la méfiance dont on se blindait pour se préserver un vague espace vital, nous faisait du mal.
On prend le temps de cuisiner au lieu de se gaver de junk-food, on se parle, on s'envoie des messages qui rivalisent de créativité et d'humour.

Le télétravail se développe à toute vitesse, il permettra plus tard à un nombre croissant de gens de vivre et de travailler à la campagne, les mégapoles pourront se désengorger.
Pour ce qui est de la culture, les peuples nous enseignent des leçons magnifiques : la culture n'est ni un vecteur de vente, ni une usine à profits, ni la propriété d'une élite qui affirme sa supériorité, la culture est ce qui nous rassemble, nous console, nous permet de vivre et de partager nos émotions avec les autres humains.

Quoi de pire qu'un confinement pour communiquer ? Et pourtant les italiens chantent aux balcons, on a vu des policiers offrir des sérénades à des villageois pour les réconforter, à Paris des rues entières organisent des concerts du soir, des lectures de poèmes, des manifestations de gratitude, c’est cela la vraie culture, la belle, la grande culture dont le monde a besoin, juste des voix qui chantent pour juguler la solitude.

(...)

Pour terminer, je voudrais adresser une parole de compassion aux nombreux malades et à leurs proches, et leur dire que du fin fond de nos maisons ou appartements, enfermés que nous sommes, nous ne cessons de penser à eux et de leur souhaiter de se rétablir. Je ne suis pas croyante, les prières m'ont toujours fait rire, mais voilà que je me prends à prier pour que tous ces gens guérissent. Cette prière ne remplacera jamais les soins de l'hôpital, le dévouement héroïque des soignants et une politique sanitaire digne de ce nom, mais c’est tout ce que je peux faire, alors je le fais, en espérant que les ondes transporteront mon message, nos messages, d'amour et d'espoir à ceux qui en ont besoin.

Coline Serreau
 - 22 mars 2020


8 commentaires:

  1. Et même le sens et la valeur des prières sont remises "à l’endroit" dans l’être de Coline Serreau. Ce qui n’est pas rien ! Car ce sens et cette valeur avaient eux-aussi été dévoyés pour beaucoup d’entre nous par le formatage mental dominant, par l’oubli de ce que nous sommes en totalité au profit de ce à quoi nous avons été réduits, de ce à quoi nous nous sommes réduisons nous-mêmes : des petits îlots de conscience qui s’imaginent libres de faire tout ce qu’ils veulent et désirent sans tenir compte de l’immense arrière-plan inconnu, inconscient, partagé par tous, dont tous dépendent et qui les sous-tend, d’où ils émergent fugacement le temps d’une brève existence.

    Amezeg

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    1. erratum : "de ce à quoi nous nous réduisons nous-mêmes"

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    2. Eh oui, la crise a du bon ! On est en train de retrouver le sens de l'essentiel...et de comprendre que nos "petits soucis" habituels n'en sont pas...
      Ce que Coline Serreau avait d'ailleurs compris depuis longtemps ;-) :
      https://www.youtube.com/watch?v=6ShBEsmPvhg
      (extrait de "La belle Verte")

      Et oui, nous ne sommes pas ces "petits îlots" perdus et dérisoires, mais nous sommes liés au grand Tout...il est temps de ne plus nous "réduire" !

      Merci de ton passage, Amezeg !
      Je t'espère en pleine forme...

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  2. Quel beau texte, que de vérités qui font chaud au coeur. J'ai connu les années Peace on Love, ou la nature humaine n'était pas celle d'aujourd'hui. J'ai connu des entreprises où l'on pouvait négocier, discuter, obtenir. Des entreprises où le "social" existait. J'ai connu les libertés des années 70-80 et son plaisir de travailler pour construire son avenir et où les meilleurs footballeurs touchaient 10.000 francs soit 1500 euros (Sominique Rocheteau par exemple). Il aura donc fallu une trentaine d'années pour voir disparaître tout cela. Je ne crois pas qu'il y aura un "après" virus, la nature humaine ne se modifie pas dans un espace-temps très court. On voit déjà des états voyous pendant cette crise, ce n'est pas près de s'arrêter. Oui il y aura des envies, oui il y aura des promesses, oui il y aura des paroles,données très vite rattrapées par la sacro-sainte guerre économique, par le traité européen etc...
    Quelle était cette union européenne face à la crise...chacun faisant dans son coin ce qu'il voulait.
    Bref, je souhaite à toutes et tous que cela change malgré tout bien sûr, je l'espère pour vous mais j'en suis moins sûr.
    Que l'avenir proche face que je me trompe.
    Raymond.

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  3. Merci Raymond, de ce commentaire bien riche et intéressant...

    Oui, moi aussi, je ne suis plus si jeune et j'ai connu des temps où l'on était plus "libre" (ou du moins, où l'on avait l'impression de l'être...). Et il m'arrive (régulièrement) de le regretter et de faire des comparaisons...

    Mais je suis plus optimiste que toi, dans le sens où je me dis qu'avant de pouvoir aller vers du nouveau, vers des lendemains qui chantent, il faut toujours passer par une phase de "nettoyage" de l'ancien...

    Un peu comme quand on "déménage". Tu vois ce que je veux dire ?
    C'est vraiment le "bazar" pendant quelques jours, quelques semaines...on vit au milieu des cartons...mais après, on s'installe dans une nouvelle demeure...qu'on aménage d'une façon différente.

    Je crois qu'on est dans cette phase-là, dans cette phase de chaos...Mais c'est un chaos "prometteur"...un chaos qui peut, si on en a l'intention... et si on retrousse nos manches... mener vers une vie différente.
    Alors, tu as raison, ce ne sera peut-être pas pour tout le monde...certains continueront à suivre leurs penchants vers le bas, c'est sûr...
    Mais ceux qui comprendront qu'il y a une opportunité dans ce qui se passe en ce moment tenteront de construire du "nouveau"...
    Et mon petit doigt me dit qu'il sont nombreux !

    Bonne journée à toi et merci encore de ton passage!

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  4. Chère Licorne bonjour,
    Je dois te dire que j'aime beaucoup ta façon de penser. Ton exemple sur le déménagement est très parlant. Ceci m'amène à revoir mon jugement en enlevant cette graine d'impatience qui ponctue mes propos.
    Toutefois, à écouter les médias et lire des tribunes, une grande partie du peuple renforce et valide la communication et les décisions du gouvernement dans cette crise; alors que les mensonges éhontés de nos dirigeants guidaient leur prise de parole !!!
    Sont-ce tous des moutons ou bien leur libre arbitre les a quitté ???
    Là est mon inquiétude.
    Soyons vigilants sur la suite et la gestion de l'après crise.
    Raymond.

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  5. On est bien d'accord, Raymond...

    Entre-temps, j'ai publié le "Monologue du virus" (voir plus haut)
    qui dit ceci :

    "C’est à vous de jouer. L’enjeu est historique.
    Soit les gouvernants vous imposent leur état d’exception,
    soit vous inventez le vôtre.
    Soit vous vous attachez aux vérités qui se font jour,
    soit vous mettez la tête sur le billot.
    Soit vous employez le temps que je vous donne maintenant
    pour figurer le monde d’après
    à partir des leçons de l’effondrement en cours,
    soit celui-ci achèvera de se radicaliser."

    Oui, je crois aussi que c'est à nous de jouer...

    Et même si l'on a l'impression de ne pas pouvoir influer
    sur la marche du monde,
    faisons au moins le "minuscule" que nous pouvons faire...
    et au final, la somme des "minuscules"...
    peut (ou pas) faire pencher la balance du bon côté !

    Mais on aura fait ce qu'on avait à faire...:-)

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