"Le temps est venu de changer de civilisation"
Edgar Morin
Barbaries
Dans son entretien à la Tribune, Edgar Morin évoque deux types de barbarie qui coexistent et parfois se combattent :
« Le
premier est cette barbarie de masse aujourd'hui de Daech, hier du
nazisme, du stalinisme ou du maoïsme. Cette barbarie, récurrente dans
l'histoire, renaît à chaque conflit, et chaque conflit la fait renaître…
Ce qui distingue la première des quatre autres qui l'ont précédée dans
l'histoire, c'est simplement la racine du fanatisme religieux.
Le second type de barbarie, de plus en plus hégémonique dans la civilisation contemporaine, est celui du calcul et du chiffre.
Non seulement tout est calcul et chiffre (profit, bénéfices, PIB,
croissance, chômage, sondages...), non seulement même les volets humains
de la société sont calcul et chiffre, mais désormais tout ce qui est
économie est circonscrit au calcul et au chiffre… Cette vision
unilatérale et réductrice favorise la tyrannie du profit, de la
spéculation internationale, de la concurrence sauvage.
La connaissance est aveugle quand elle est réduite à sa seule dimension quantitative et quand l'économie comme l'entreprise sont envisagées dans une appréhension compartimentée.
Or les cloisonnements imperméables les uns aux autres se sont imposés. La logique dominante étant utilitariste et court-termiste, on ne se ressource plus dans l'exploration de domaines, d'activités, de spécialités, de manières de penser autres que les siens, parce qu'a priori ils ne servent pas directement et immédiatement l'accomplissement de nos tâches alors qu'ils pourraient l'enrichir…
On croit que la seule connaissance
"valable" est celle de sa discipline, on pense que la notion de
complexité, synonyme d'interactions et de rétroactions, n'est que
bavardage. Faut-il s'étonner alors de la situation humaine et
civilisationnelle de la planète ?
Refuser les lucidités de la complexité, c'est s'exposer à la cécité face à la réalité.
Refuser les lucidités de la complexité, c'est s'exposer à la cécité face à la réalité.
Le seul véritable antidote à la tentation barbare, qu'elle soit individuelle et collective, a pour nom humanisme.
Ce principe fondamental doit être enraciné en soi, chevillé au fond de soi, car grâce à lui on reconnaît la qualité humaine chez autrui quel qu'il soit, on reconnaît tout autre comme être humain. Sans cette reconnaissance d'autrui chère à Hegel, sans ce sens de l'autre que Montaigne a si bien exprimé en affirmant "voir en tout homme un compatriote", nous sommes tous de potentiels barbares...
Partout, des formations convivialistes assainissant et "réhumanisant" les rapports humains, irriguent le territoire, revivifient responsabilités individuelles et démocratie collective.
Ce principe fondamental doit être enraciné en soi, chevillé au fond de soi, car grâce à lui on reconnaît la qualité humaine chez autrui quel qu'il soit, on reconnaît tout autre comme être humain. Sans cette reconnaissance d'autrui chère à Hegel, sans ce sens de l'autre que Montaigne a si bien exprimé en affirmant "voir en tout homme un compatriote", nous sommes tous de potentiels barbares...
Partout, des formations convivialistes assainissant et "réhumanisant" les rapports humains, irriguent le territoire, revivifient responsabilités individuelles et démocratie collective.
Réforme personnelle et
réforme sociétale - c'est-à-dire politique, sociale, économique -
s'entendent de concert, elles doivent être menées de front et se
nourrissent réciproquement. Les signaux sont faibles et disséminés, mais ils existent, et c'est sur eux que l'espoir doit être fondé. »
Une pensée intégrative et systémique
Une pensée intégrative et systémique
Jacques Ferber et Véronique Guérin définissent ainsi le mème Jaune de la Spirale Dynamique comme le domaine d’une pensée intégrative-systémique dont Edgar Morin est un des porte-paroles : « Le
stade Jaune, adaptatif-intégrateur, constitue le premier niveau du
second cycle. Il invite à sortir de l’opposition pour mettre en relation
les différents apports des courants. Sur le plan cognitif, ce stade
introduit la pensée des cycles et des processus, là où le premier niveau
portait essentiellement sur une pensée causale. C’est la pensée systémique qui est en œuvre, au sens où l’entendent les théoriciens de la complexité…
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Le modèle développemental de la Spirale Dynamique |
Le monde, dans sa complexité, requiert une prise en compte adaptée que les premiers niveaux de la spirale ne peuvent lui fournir. C’est le domaine de la pensée intégrative-systémique.
Cette intégration, E. Morin l’appelle « pensée dialogique » : elle articule les aspects logiques et objectifs de l’Orange avec la pensée pluraliste et subjectiviste du niveau Vert et relie des domaines auparavant distincts, voire opposés : science et
spiritualité, technologie et écologie, vécu individuel et savoir
universitaire, morale et expression corporelle, etc…
Sur le plan de la
pensée, ce passage au niveau intégrateur constitue une forme de
Renaissance, comme ont pu l’incarner en leur temps G. Bruno, L. de Vinci
ou Pic de la Mirandole, c’est-à-dire des artistes et des penseurs
développant une pensée à la fois scientifique et spirituelle. »
.
Olivier Breteau
Toutes les manifestations spirituelles, culturelles, scientifiques, techniques, etc. ne découlent-elles pas – en passant par les outils de création, intellectuels et autres, dont nous disposons – de notre perception de ce que nous sommes dans ce monde et dans l’univers créé ? La perception juste de la créature concernant sa place et son sens dans l’univers créé n’est-elle pas la clé "d’un ordre des choses" juste lui aussi, toujours accordé à la prospérité générale des êtres et des choses ? Remonter en somme au juste point d’origine de la perception de ce que nous sommes pour que se créée d’elle-même une spirale de manifestations "optimales" pour la prospérité et le bien-être général (?) La démarche essentielle est alors une introspection, une méditation, un lâcher-prise suffisant pour que s’éveille en nous la conscience de ce qu’en réalité nous sommes essentiellement et que nous fassions ainsi l’économie de bien des questionnements et de bien des réflexions compliquées qui ne mènent bien souvent qu’à d’autres réflexions encore plus compliquées.
RépondreSupprimerPoint de vue un peu taoïste et un peu iconoclaste, c’est vrai... :-)
:-)
RépondreSupprimerNon, ce n'est pas iconoclaste.
Je crois que tu (que vous ?) viens (venez) de décrire très exactement le stade "turquoise"...
Le jaune est assez "mental"...mais c'est une étape nécessaire pour passer au turquoise, qui, lui, est beaucoup plus "mystique" et "intuitif"...et qui, effectivement, ne se "prend plus la tête" mais "vit" ce qu'il a compris dans le stade jaune.
Ceci dit, c'est un stade que TRES PEU de gens atteignent...Pour l'instant, c'est plus un "horizon", qu'on entraperçoit ...qu'un état permanent dans lequel on vit au jour le jour.
Tu (ou vous ;-) as (avez) raison : s’accorder largement au tao et y demeurer durablement accordé n’est sans doute vécu aujourd’hui que par un petit nombre d’êtres humains ayant atteint le stade CuAl6(PO4)4(OH)8·4H2O, alias stade Turquoise. [Je ne connaissais pas l’existence de ce stade ultime (s’il l’est ?).]
RépondreSupprimerLe jaune, "assez mental", est-il vraiment une étape nécessaire pour passer au turquoise ? Cela dépend peut-être des dispositions de la nature individuelle. Les grands mystiques, les chamanes, les "éveillés par nature" ou par l’opération du Saint Esprit, les âmes simples touchées par la Grâce n’en font-elles pas éventuellement l’économie ? Nous vivons en un temps marqué par la prédominance du mental, mais faut-il en conclure qu’un mental fort est nécessaire pour pouvoir s’accorder au tao, pour aller vers une transparence qui laisse s’exprimer à travers soi l’ordre cosmique, qui laisse parler en nous et à travers nous ’Le plus grand que nous’ ?
Le féminin de l’être joue un rôle essentiel dans la mise en accord avec le tao, avec le grand ordre universel. Le sage sait se faire vallée (yin), nous dit la tradition taoïste.
PS – Si l’on en croit en.wikipedia.org le bleu turquoise est un ton assez variable : « Colour is as variable as the mineral's other properties, ranging from white to a powder blue, to a sky blue, and from a blue-green to a yellowish green. » Faut-il comprendre alors que « le grand homme change comme le tigre » ainsi qu’il est dit dans le Yi King, et que l’homme qui atteint le stade turquoise prendra la couleur de l’instant, demeurant ainsi accordé aux variations de l’immuable, sachant que l’immuable c’est la transformation et que la transformation c’est immuable ?
Quelques précisions :
Supprimer1) le "mental" dans lequel nous vivons actuellement est très rarement le "mental complexe" jaune, c'est le plus souvent le "mental rationnel" du stade orange
2) C'est joli ce que tu dis sur le turquoise (qui se situe juste au-dessus du jaune...je suis en train de voir qu'il n'est pas représenté sur le dessin)...
En fait, le turquoise est, d'après ce que j'en comprends, le stade où le Soi prend la prééminence sur le moi...et donc, oui, c'est le stade où l'on est "accordé au Tao", "à la couleur de l'instant"... et où l'"ordre cosmique" s'exprime à travers nous, de façon fluctuante et changeante... :-)
P-S : J'ai ajouté des illustrations nouvelles...pour éclairer les différents niveaux de façon plus précise...
Supprimer...et que la transformation c’est l'immuable ?
RépondreSupprimer"Le jaune, "assez mental", est-il vraiment une étape nécessaire pour passer au turquoise ?"
RépondreSupprimerC'est une question qu'on peut se poser, effectivement...
Les grands mystiques en font-ils l'économie ?
Bien sûr, il n'y a pas de règle absolue...mais si l'on prend, par exemple, quelqu'un comme Sri Aurobindo...et qu'on étudie sa biographie, il semble qu'il soit bien passé par le stade jaune avant d'arriver au Turquoise.
Il a énormément étudié...Il dit lui-même qu'il a lu livre sur livre pendant des années...
Et puis, qu'un jour, brusquement...il a arrêté. Cette "boulimie" de connaissances n'avait plus d'intérêt pour lui... et il est passé à autre chose, qu'on pourrait qualifier de "mystique"...
Il est d'ailleurs intéressant qu'il ait nommé son yoga : le yoga "intégral"... :-)
Personnellement, je me méfie un peu des courants qui veulent court-circuiter la phase du "mental" et passer directement à la "mystique"...
Mon impression est que, dans ce cas, très souvent et sans en être conscient...on se croit arrivé au Soi (turquoise), alors qu'en fait, on a régressé au stade "violet" (stade fusionnel et magique).
On remarque ça régulièrement dans le mouvement New Age (mais pas que...).
Les chamanes, d'ailleurs, appartiennent le plus souvent au "stade violet"...
Même si je n'exclus pas que certaines "âmes" peuvent suivre un autre chemin...je crois que rejeter, par principe le mental, c'est comme donner un coup de pied dans le tabouret qui nous permet d'accéder à l'étagère du haut...
La phase du "mental complexe" (celle d'Edgar Morin) n'est pas une fin en soi, mais elle a sa valeur en tant qu'étape sur le chemin... :-)
Voilà ce que dit Olivier Breteau sur son blog , à propos de la confusion "Violet-Turquoise" :
RépondreSupprimerNombre d’occidentaux opèrent ce que Ken Wilber nomme la Confusion Pré/Trans : ils confondent effectivement les stades pré-personnels et infantiles où règne la pensée magique avec les stades supérieurs de conscience où opère la magie de la pensée.
(Il convient) d'opérer la distinction entre le "Mème Violet" d'une part, situé au début de la spirale évolutive, lié à une pensée magique, animiste et tribale, et d'autre part, le "Mème Turquoise" situé à la fin de cette spirale et lié à la magie de la pensée à travers la profondeur d'une expérience spirituelle qui réenchante le monde en transcendant les dualismes.