De même que la tombée de la nuit n'arrive pas tout de suite,
l'oppression non plus...
Il y a un crépuscule où tout reste apparemment inchangé.
Et c'est dans un tel crépuscule que nous devons être le plus conscients
des changements dans l'air - aussi légers soient-ils -
de peur que nous ne devenions
des victimes involontaires de l'obscurité.
.
William O. Douglas
Hannah Arendt, juive, déportée et réfugiée aux États-Unis,
avait osé écrire dans le New York Time
qu’Eichmann n’était pas un monstre
au sens où on aurait pu le comparer
à
Dracula ou Gilles de Ray,
mais un personnage banal,
non prédisposé à la
méchanceté ou au sadisme,
mais tout simplement un fonctionnaire
qui
avait refusé d’élaborer une pensée propre,
un homme semblable aux
millions de téléspectateurs
qui aujourd’hui abdiquent toute pensée
autonome
pour se mouler sans histoire dans le confort d’un monde
Orwellien.
Cette banalité du caractère, cette médiocrité assez
commune,
ces inaptitudes à la méchanceté et à la perversité
hissées à
des responsabilités d’exécution considérables,
ont généré l’un des plus
grands massacres de l’histoire.
Il ne s’agit pas des prédations de
Gengis Khan,
mais de celles complètement inattendues
d’un clerc de
notaire ou d’un préparateur en pharmacie.
C’est là où l’analyse
d’Hannah va bouleverser la grille de lecture
de toute l’anthropologie
politique.
Son analyse n’en n’est que plus fulgurante,
son actualité que
plus oppressante et avérée.
Pour avoir osé s’en tenir à la seule
analyse philosophique
en se dégageant du jugement politique,
sa propre
communauté l’avait conspuée violemment, et isolée.
Pour Arendt, la
lancinante question de sa vie sera la question du mal
alors que pour les
siens, seul comptait le jugement sur le monstre.
Il lui fallut un
immense courage moral pour ne pas abdiquer intellectuellement
devant
le fait qu’un nazi n’est pas forcément un être ivre de sang,
jouissant
de la souffrance de ceux qu’il haïssait.
Sa thèse de la banalité du mal n’en n’est devenue
que plus effroyablement pertinente et cruellement contemporaine.
À
mon avis, ses détracteurs, dont on comprend parfaitement les blessures
profondes,
ne comprenaient rien de sa démarche philosophique.
Ils ne se
rendaient pas compte qu’en affirmant la banalité
du petit bourgeois
méthodique et obéissant dans la gestion de l’impensable,
Hannah invitait
à comprendre l’extrême perversité
d’une humanité grise et paisible qui
abdique toute pensée autonome.
Elle alertait l’opinion sur la capacité d’adhésion tranquille
de la majorité des hommes à l’absurde
lorsque l’absurde est normalisé par une administration
soutenue par le droit et la mise en condition
d’un peuple qui se refuse de penser
Or
le propre de l’homme c’est de penser,
et refuser de le faire l’amène à
nier son humanité.
Niant son humanité, il devient un monstre.
Son appel
est d’une tragique actualité.
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Article complet ICI
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Pour quitter le clair-obscur «…... d’une humanité grise et paisible qui abdique toute pensée autonome. » il faut tenir bien allumée ou raviver la petite flamme de conscience qui, seule, peut éclairer notre paysage intérieur et extérieur. L’effort de conscience - qui ne passe pas que par l’usage fait de la pensée - semble être le plus difficile de tous les efforts dont nous sommes capables. Bien qu’il soit sans doute la tâche essentielle d’une existence humaine.
RépondreSupprimerAmezeg
PS – Cette vidéo me semble tout à fait apte à encourager fortement la pensée autonome et à raviver la flamme de conscience en un temps qui le demande de façon urgente : https://www.youtube.com/watch?v=ZKGGAXDRVzI
Bonjour Amezeg!
SupprimerOui, tu as raison de le préciser, ce qui est nécessaire, c'est avant tout un effort de CONSCIENCE.
Merci pour le lien, j'écouterai demain....