C'était un mardi, je crois.
Je ne l'avais jamais vu aussi radieux.
J'ai trouvé, me dit-il.
J'ai trouvé ce que j'attendais - enfin, pas tout à fait,
mais j'ai trouvé un mot pour le dire.
Vous ne devinerez jamais.
J'essayai pourtant : Dieu ? La mort ? L'amour ?
pas du tout, répliqua-t-il.
Vous cherchez du côté du plus grand.
Vous cherchez du côté du plus grand.
C'est une erreur sans doute inévitable.
Moi-même je l'ai commise jusqu'à ce matin.
C'est tellement plus simple :
j'attends le printemps.
.
Je dus avoir l'air stupide.
Il me précisa sa pensée.
(...)
Ce que j'appelle le printemps, me dit-il,
n'est pas une affaire de climat ou de saison.
Certes, je ne suis pas insensible
à la résurrection du mois de mai,
à cette candeur nouvelle
qui rend le coeur si rouge et les filles si moqueuses.
Mais on peut toujours objecter que cette résurrection
sera bientôt suivie par un nouvel hiver,
un goutte-à-goutte de la mort froide,
les saisons sont rondes, bégayantes.
Ce que j'appelle le printemps brise ce cercle-là,
comme tous les autres.
Cela peut surgir au plus noir de l'année.
C'est même une de ses caractéristiques :
quelque chose qui peut venir à tout moment
pour interrompre, briser,
- et, au bout du compte, délivrer.
.
"La présence pure"
Je n'ai pas ce livre de Bobin, je suis donc allée chercher le titre sur internet. Et je te recopie la quatrième de couverture qui me semble bien définir le "travail" de ce poète qui si souvent arrive à nous mettre en relation avec ce qui nous fait renaître à nous-mêmes et à la vie.
RépondreSupprimer"S'il écrit peu de poèmes, formellement parlant, Christian Bobin est sans doute l'un des écrivains contemporains qui sait au plus juste mettre en œuvre l'injonction d'habiter poétiquement le monde, injonction proférée jadis par Hölderlin. Avec lui, pas de faux-semblants, aucun réflexe de littérateur, mais un engagement de l'être dans le temps même de la vie, et une parole qui a pouvoir de viatique. Les textes rassemblés dans ce volume ont tous ce supplément d'âme et de lumière qui, non seulement fait escorte, mais invente des routes imprévues, des clairières inespérées, sans jamais occulter les épreuves, les alarmes ni les deuils. «Je suis né dans un monde qui commençait à ne plus vouloir entendre parler de la mort et qui est aujourd'hui parvenu à ses fins, sans comprendre qu'il s'est du coup condamné à ne plus entendre parler de la grâce», écrit Christian Bobin dans La Présence pure. Et cette grâce qu'il préserve au bord de la mort comme sur le visage de l'amour, il s'en fait le guetteur, le sourcier, et il a comme personne les mots pour l'éveiller.
Merci pour ce beau texte, Fifi...qui évoque, de façon limpide, le fond de l'oeuvre de Bobin, poète à la fois lumineux et sincère, qui ne cesse de nous parler de beauté et de "résurrection"...
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