dimanche 16 mai 2021

Le rôle ingrat du lanceur d'alerte

 

Article de janvier 2018

 

(...)

... « dénoncer la perversion et nommer le pervers, 
c’est toujours prendre un risque éthique 
qui peut aussi très souvent conduire 
à l’isolement, à l’éviction et l’élimination,
 comme le démontrent l’histoire et l’actualité. 
 
Mises au placard et harcèlement 
visent précisément dans la société néolibérale 
à faire taire et priver de parole ceux qui savent 
et pourraient dire ce qu’ils ont compris des dérives perverses, 
des mécanismes séducteurs et du fonctionnement désubjectivant 
des entreprises et de l’état. » 
 
 


Nommer la perversion n’est donc pas sans danger. 
C’est un acte qui demande à être réfléchi. 
Il comporte des écueils, des pièges ou des chausse-trappes, 
car « […] conformément à leur essence, la perversion et le pervers 
destinent à la dérision toute pensée et tout discours 
qui tentent de les définir et de les assigner :
 
la récusation fluctuante de toute position subjective 
et de toute proposition théorique les concernant 
pourrait même valoir comme indice paradoxal d’identification. 
Il s’agit en l’occurrence d’interdire et d’empêcher 
toute assignation de responsabilité ou de causalité 
qui permettrait de percevoir et d’identifier les transgressions agies
en toute banalisation du mal. »
 
Cet indice paradoxal d’identification est effectivement
 un prédicteur fiable de perversion 
tout comme l’inversion repérée par de nombreux auteurs
 tels que M. Hurni et G. Stoll :
 « L’une des premières caractéristiques notées par les psychologues 
étudiant la perversion relationnelle est l’inversion. »
 
C’est aussi ce que note Christine Rebourg-Roesler dans son article 
sur les procédés rhétoriques chez des patients 
présentant une organisation perverse de la personnalité : 
« Au niveau paradigmatique, toujours dans le but implicite ou explicite 
de manipuler l’interlocuteur, nombre de figures de rhétorique 
avec les catégories et les contraires 
dans une inversion volontaire du sens. »
 
Pour le pervers, s’engager dans cette lutte « contre-nominative » 
en manipulant le sens des mots et des expressions 
en leur faisant dire le contraire 
de ce qu’ils signifient dans le contexte de leur énonciation 
est une question de survie, 
mais pour celui qui fait sciemment le choix 
de dénoncer les agissements pervers, 
il en va tout autrement. 
 
Ce dernier a su percevoir la destructivité de telles idéologies 
et sait par avance quel avenir elle promeut. 
Il joue donc le rôle ingrat du lanceur d’alerte 
avec tous les inconvénients adossés à la tâche 
et possède une conscience aiguë de notre responsabilité sociale 
qui consiste à prévenir la malignité des individus, 
des institutions, des États, etc.
 
Malheureusement, il est bien souvent confronté à un mur, 
car « la perversion ne se laisse reconnaître 
que dans ce qu’en révèlent ses effets et ses conséquences, 
mais sa destructivité est le plus souvent soit méconnue 
dans le vague d’un malaise sans figure, 
soit l’objet d’une communauté de déni 
qui la renforce et l’entérine. »




Ce qui signifie que l’identification de la perversion 
intervient la plupart du temps a posteriori, 
et que l’on ne peut que constater les dégâts. 
 
Les totalitarismes du siècle dernier 
sont là pour en témoigner. 

(...)

 

(8 janvier 2018)
 
 
  
 
 
 

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