Article de janvier 2018
(...)
... « dénoncer la perversion et nommer le pervers,
c’est toujours prendre un risque éthique
qui peut aussi très souvent conduire
à l’isolement, à l’éviction et l’élimination,
comme le démontrent l’histoire et l’actualité.
Mises au placard et harcèlement
visent précisément dans la société néolibérale
à faire taire et priver de parole ceux qui savent
et pourraient dire ce qu’ils ont compris des dérives perverses,
des mécanismes séducteurs et du fonctionnement désubjectivant
des entreprises et de l’état. »
Nommer la perversion n’est donc pas sans danger.
C’est un acte qui demande à être réfléchi.
Il comporte des écueils, des pièges ou des chausse-trappes,
car « […] conformément à leur essence, la perversion et le pervers
destinent à la dérision toute pensée et tout discours
qui tentent de les définir et de les assigner :
la récusation fluctuante de toute position subjective
et de toute proposition théorique les concernant
pourrait même valoir comme indice paradoxal d’identification.
Il s’agit en l’occurrence d’interdire et d’empêcher
toute assignation de responsabilité ou de causalité
qui permettrait de percevoir et d’identifier les transgressions agies
en toute banalisation du mal. »
Cet indice paradoxal d’identification est effectivement
un prédicteur fiable de perversion
tout comme l’inversion repérée par de nombreux auteurs
tels que M. Hurni et G. Stoll :
« L’une des premières caractéristiques notées par les psychologues
étudiant la perversion relationnelle est l’inversion. »
C’est aussi ce que note Christine Rebourg-Roesler dans son article
sur les procédés rhétoriques chez des patients
présentant une organisation perverse de la personnalité :
« Au niveau paradigmatique, toujours dans le but implicite ou explicite
de manipuler l’interlocuteur, nombre de figures de rhétorique
avec les catégories et les contraires
dans une inversion volontaire du sens. »
Pour le pervers, s’engager dans cette lutte « contre-nominative »
en manipulant le sens des mots et des expressions
en leur faisant dire le contraire
de ce qu’ils signifient dans le contexte de leur énonciation
est une question de survie,
mais pour celui qui fait sciemment le choix
de dénoncer les agissements pervers,
il en va tout autrement.
Ce dernier a su percevoir la destructivité de telles idéologies
et sait par avance quel avenir elle promeut.
Il joue donc le rôle ingrat du lanceur d’alerte
avec tous les inconvénients adossés à la tâche
et possède une conscience aiguë de notre responsabilité sociale
qui consiste à prévenir la malignité des individus,
des institutions, des États, etc.
Malheureusement, il est bien souvent confronté à un mur,
car « la perversion ne se laisse reconnaître
que dans ce qu’en révèlent ses effets et ses conséquences,
mais sa destructivité est le plus souvent soit méconnue
dans le vague d’un malaise sans figure,
soit l’objet d’une communauté de déni
qui la renforce et l’entérine. »
Ce qui signifie que l’identification de la perversion
intervient la plupart du temps a posteriori,
et que l’on ne peut que constater les dégâts.
Les totalitarismes du siècle dernier
sont là pour en témoigner.
(...)
(8 janvier 2018)
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