samedi 22 mai 2021

Totalitarisme mou

 

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Et si les élites politico-médiatiques d’Europe occidentale, 
tout en condamnant les totalitarismes du siècle dernier, 
ne faisaient, en réalité, que prolonger par d’autres moyens 
l’asservissement des individus et l’abrutissement des peuples ?
 
 
 

 
C’est ce que dénonce avec brio, 
dans son livre La Haine du monde 
 (2016)
la philosophe Chantal Delsol.

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Nos démocraties d’Europe de l’Ouest se définissent volontiers 
par contraste avec les horreurs perpétrées au XXe siècle 
par le nazisme et le communisme. 
Or, entre les régimes criminels d’hier 
et les politiques faussement tolérantes d’aujourd’hui, 
il existe, nous dit Chantal Delsol, « une sorte de continuité inavouée ».
 
Comme les grandes utopies du siècle dernier 
(l’utopie hitlérienne de la race pure, 
l’utopie marxiste-léniniste de la société sans classes), 
l’idéologie d’aujourd’hui proclame que tout est possible : 
elle mène « une croisade contre la réalité du monde ».
 
Comme les totalitarismes défunts, la « deuxième Modernité », 
celle dans laquelle nous vivons, veut changer l’humanité de fond en comble. 
Nous voici « au moment où l’idéal d’égalité des Lumières en vient à toucher le roc, 
à s’attaquer non plus aux inégalités mais aux simples différences », 
les différences entre femmes et hommes, entre adultes et enfants, 
voire entre humains et animaux, entre humains et machines.

Nous confondons totalitarisme et terreur

Si nous peinons à repérer le totalitarisme actuel, 
 
Mais ce que nous subissons sans le savoir, 
c’est un totalitarisme mou
qui emploie moins la répression que la dérision, 
la disqualification habile des opposants

L’idéologie du Progrès se prétend le Bien absolu, 
qu’on ne peut refuser sans devenir ridicule ou abject.
 
Cet éclairage sur ce qui nous arrive, Chantal Delsol le doit 
aux « écrivains dissidents de l’Est et du Centre-Est », 
les premiers à avoir perçu « cette ressemblance troublante 
entre le communisme et l’Occident postmoderne ».
 Elle cite à plusieurs reprises Soljenitsyne et Vaclav Havel.
 
Mais ces héros d’hier ne connaissaient pas encore
 le « post-humanisme », 
auquel ce livre oppose des pages magnifiques : 
« Mon avenir, ce n’est pas mon immortalité. 
Mon avenir, c’est autrui, qui renouvellera encore le monde ».
 
Qu’on ne s’y trompe pas ! Chantal Delsol n’a pas écrit 
un pamphlet antimoderne. 
Elle ne règle pas de comptes avec le présent ni avec les Lumières. 
Elle ne jette pas le bébé avec l’eau du bain.
 « Ce n’est pas la Modernité elle-même qui est en cause, 
ce sont ses excès. »
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L’homme a besoin d’enracinement et d’émancipation

Chantal Delsol propose une anthropologie, selon laquelle 
« les humains ont impérativement besoin
à la fois d’enracinement et d’émancipation ».
 Cet « à la fois » fait la grandeur de sa démarche. 
 
Elle n’évacue nullement l’idée de progrès, 
dont elle voit l’origine dans la Révélation juive et chrétienne. 
Justement, elle réfute une idéologie 
qui veut figer l’évolution et arrêter l’Histoire.
 
 « L’amélioration du monde humain, fruit du temps fléché judéo-chrétien, 
représente une promesse en perpétuel accomplissement, 
et non un butoir de perfection auquel il faudrait parvenir 
en récusant tout ce qui précède ».
 
Chantal Delsol ne nous dit pas qu’hier était meilleur qu’aujourd’hui ; 
Son livre est une leçon d’intelligence, de courage et de liberté.

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Jean-Marie Salamito

2016 



 
 
Scène du film "Le dictateur"  de Chaplin
 
   
 

 
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