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Et si les élites politico-médiatiques d’Europe
occidentale,
tout en condamnant les totalitarismes du siècle dernier,
ne
faisaient, en réalité, que prolonger par d’autres moyens
l’asservissement des individus et l’abrutissement des peuples ?
C’est ce que dénonce avec brio,
dans son livre La Haine du monde
(2016)
la philosophe Chantal Delsol.
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Nos démocraties d’Europe de l’Ouest se définissent volontiers
par contraste avec les horreurs perpétrées au XXe
siècle
par le nazisme et le communisme.
Or, entre les régimes criminels
d’hier
et les politiques faussement tolérantes d’aujourd’hui,
il
existe, nous dit Chantal Delsol, « une sorte de continuité inavouée ».
Comme
les grandes utopies du siècle dernier
(l’utopie hitlérienne de la race
pure,
l’utopie marxiste-léniniste de la société sans classes),
l’idéologie d’aujourd’hui proclame que tout est possible :
elle mène
« une croisade contre la réalité du monde ».
Comme les totalitarismes
défunts, la « deuxième Modernité »,
celle dans laquelle nous vivons,
veut changer l’humanité de fond en comble.
Nous voici « au moment où
l’idéal d’égalité des Lumières en vient à toucher le roc,
à s’attaquer
non plus aux inégalités mais aux simples différences »,
les différences
entre femmes et hommes, entre adultes et enfants,
voire entre humains et
animaux, entre humains et machines.
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Nous confondons totalitarisme et terreur
Si
nous peinons à repérer le totalitarisme actuel,
Mais ce que nous subissons sans le savoir,
c’est un totalitarisme mou,
qui emploie moins la répression que la
dérision,
la disqualification habile des opposants
L’idéologie du
Progrès se prétend le Bien absolu,
qu’on ne peut refuser sans devenir
ridicule ou abject.
Cet éclairage sur ce qui nous arrive, Chantal
Delsol le doit
aux « écrivains dissidents de l’Est et du Centre-Est »,
les premiers à avoir perçu « cette ressemblance troublante
entre le
communisme et l’Occident postmoderne ».
Elle cite à plusieurs reprises
Soljenitsyne et Vaclav Havel.
Mais ces héros d’hier ne connaissaient pas
encore
le « post-humanisme »,
auquel ce livre oppose des pages
magnifiques :
« Mon avenir, ce n’est pas mon immortalité.
Mon avenir,
c’est autrui, qui renouvellera encore le monde ».
Qu’on ne s’y trompe pas ! Chantal Delsol n’a pas écrit
un pamphlet
antimoderne.
Elle ne règle pas de comptes avec le présent ni avec les
Lumières.
Elle ne jette pas le bébé avec l’eau du bain.
« Ce n’est pas
la Modernité elle-même qui est en cause,
ce sont ses excès. »
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L’homme a besoin d’enracinement et d’émancipation
Chantal
Delsol propose une anthropologie, selon laquelle
« les humains ont
impérativement besoin
à la fois d’enracinement et d’émancipation ».
Cet
« à la fois » fait la grandeur de sa démarche.
Elle n’évacue nullement
l’idée de progrès,
dont elle voit l’origine dans la Révélation juive et
chrétienne.
Justement, elle réfute une idéologie
qui veut figer
l’évolution et arrêter l’Histoire.
« L’amélioration du monde humain,
fruit du temps fléché judéo-chrétien,
représente une promesse en
perpétuel accomplissement,
et non un butoir de perfection auquel il
faudrait parvenir
en récusant tout ce qui précède ».
Chantal
Delsol ne nous dit pas qu’hier était meilleur qu’aujourd’hui ;
elle nous
appelle à faire en sorte que demain ne soit pas atroce.
Son livre est
une leçon d’intelligence, de courage et de liberté.
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Jean-Marie Salamito
2016
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