Un oxymore est une figure de style
rapprochant deux termes dont le rapprochement
crée une formule en apparence contradictoire.
En rhétorique,
c'est une «
ingénieuse alliance de mots contradictoires ».
Exemples littéraires :
"
Éphémère immortel” – Paul Valéry,
Charmes.
“Le
superflu, chose très
nécessaire” – Voltaire,
Le Mondain.
Cette
obscure clarté qui tombe des étoiles...
– Corneille,
Le Cid.
“Jeune vieillard” – Molière,
Le Malade imaginaire.
“Boucherie héroïque” – Voltaire,
Candide.
On a remarqué que les
oxymores se mettent à proliférer
dans les sociétés soumises à de fortes tensions,
comme le montre le cas exemplaire du régime de Vichy,
un gouvernement qui se réclame de la patrie
mais qui est installé et maintenu par une armée d'occupation;
une politique de soumission, qui est présentée
comme une entreprise de régénération nationale;
un éloge de la vie champêtre,
dans un régime à la solde de l'industrie lourde allemande;
enfin, et c'est sans doute le comble,
une exaltation des vieilles valeurs chrétiennes,
au service d'une entreprise
fondamentalement antichrétienne et néopaïenne...
.
La montée actuelle des tensions fournit donc un terrain propice
à la prolifération des figures de conciliation ou de dénégation
susceptibles d'égarer toujours plus les esprits.
Plus le temps passe et plus s'exaspèrent les contradictions
et les tensions internes qui travaillent la société libérale.
Il faudrait écrire une encyclopédie pour en dresser la liste complète.
En attendant ce travail salutaire, en voici un petit échantillon.
La société contemporaine dispose d'une perspective temporelle
incommensurablement plus profonde que toutes les sociétés du passé,
avec les quinze milliards d'années de la cosmologie.
Et pourtant elle lie son activité à l'instantanéité de la bourse.
Pour elle, comme l'a vu Gauchet, le temps a disparu.
Elle prône (et c'est là sa contradiction majeure, son "péché mortel")
une croissance infinie dans un monde fini.
Ses théoriciens affirment que toute vie humaine est réglée
par des processus sans sujets, mais d'autre part
elle promeut l'individu comme valeur centrale.
Ils affirment que les valeurs, les idées,
sont la cause des maux qui affectent la société
et que seule la main du marché pourra nous conduire au bonheur.
Mais cela n'empêche pas les hommes politiques,
pour masquer la dureté inhumaine de ce programme,
de se lancer dans des tirades
sur la "politique de civilisation et sur les valeurs".
Elle promeut comme valeur centrale l'individu
mais produit à la chaîne des êtres formatés,
qui se dépossèdent de leur individualité par les pratiques mêmes
à travers lesquelles ils pensent la développer.
L'autonomie de l'individu est promue comme valeur centrale
alors que des forces invisibles gigantesques
le déconstruisent en sous-main -
des forces gigantesques qui sont à la sociologie
ce que la matière noire est à la cosmologie.
Elle considère l'enseignement et l'éducation
comme l'alpha et l'oméga de la société moderne,
mais voue un mépris de plus en plus pesant, et presque officiel,
aux enseignant(e)s.
Par l'enseignement, elle fait de la vérité la valeur suprême.
Mais par la propagande publicitaire et la communication,
elle légitime le mensonge raisonné
et le reconnaît implicitement
comme le moteur de la vie sociale.
Elle vante le risque et l'initiative individuelle
mais prône par ailleurs le risque zéro.
Elle développe jusqu'à la folie l'obsession de la sécurité
dans un monde sur le point d'exploser.
Contre le fonctionnaire repoussoir,
elle dresse la figure héroïque de l'entrepreneur.
mais chacun sait que les banques
se méfient des jeunes entrepreneurs
et préfèrent avoir pour clients des fonctionnaires,
et que les capitalistes implorent le secours de l'état
quand une crise financière risque de les déborder.
Elle enferme la vie quotidienne
dans un corset toujours plus dense
de réglementations.
Elle dérégule le travail et la finance,
mais surrégule la vie quotidienne
du commun des mortels.
Elle exalte la figure du "pro"
c'est-à-dire de l'homme réduit
à une sorte de mécanisme fonctionnel au rendement optimal
mais, en contrepartie, elle cultive jusqu'à la saturation
la contre-figure de l'artiste,
c'est-à-dire de l'homme ou de la femme d'exception
pouvant se targuer d'avoir un métier
là où les autres ne font que mettre en oeuvre
des techniques, des procédures.
(...)
Elle exalte le mérite et l'enrichissement
mais fait reposer en dernier recours toute possibilité
d'enrichissement véritable (et donc le mérite)
sur l'héritage des capitaux et des biens.
Elle dénonce la politique insidieuse des sectes
mais repose dans es fondements mêmes
sur le contrôle des esprits
- et particulièrement de l'esprit des enfants-
par la propagande publicitaire.
Et l'on constate sans surprise que TF1
est à la pointe de la dénonciation des sectes.
Elle exalte l'individu et la vie privée
mais en même temps met en place
des moyens de contrôle "panoptiques"
qui, inexorablement, vont
empiéter sur la vie privée et la grignoter peu à peu
.
Plus notre vie privée devient transparente,
et plus le monde de la finance
qui domine notre existence s'opacifie.
Elle affirme que la lutte des classes est dépassée;
qu'il faut être "moderne";
que le temps est venu d'un monde apaisé
où le loup cohabitera avec l'agneau,
où la richesse des riches profitera à tous.
mais en même temps ceux qui nous gouvernent
se déterminent uniquement en fonction de rapports de force,
comme l'actualité se charge de nous le montrer jour après jour.
Elle fait de la lutte contre le chômage et la délinquance deux de ses priorités,
mais a besoin pour fonctionner d'un taux de chômage élevé.
Elle prône la libre circulation des marchandises et des capitaux ;
réclame jusqu'à l'absurde la suppression des écluses douanières
entre des systèmes économiques et sociaux aussi différents
que la Chine et le vieille Europe.
Mais dans le même temps, elle met de plus en plus de barrières
au libre déplacement des êtres humains
originaires des nations pauvres (...).
Elle développe une sensibilité anthropomorphique
à l'égard des animaux, fait du chasseur un hideux repoussoir,
mais fait reposer sans frémir son économie sur l'élevage industriel.
(...)
Elle s'indigne de l'eugénisme appliqué aux hommes
mais le prône pour les animaux.
(...)
Elle nie les capacités paranormales des êtres humains
comme la clairvoyance et la télépathie
mais elle est habitée par le fantasme
d'une omniprésence virtuelle de tous les êtres humains,
qu'elle s'efforce de réaliser peu à peu par la technologie.
(...)
Je laisse le lecteur allonger cette liste,
que l'on pourrait prolonger pendant des pages...
.
Bertrand Maheust
"La politique de l'oxymore"
.
Pratique de l'oxymore
chez nos dirigeants
(Allez...pas de jaloux...
j'en ai mis pour tout le monde... ;-)
.
La personnalité de Jacques Chirac ?
.
"La Sarkolangue, c'est cette capacité sarkozyste
à démentir formellement le lendemain
ce que l'on martelait la veille."
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François Hollande : on l'appelait
le "Président normal"
.
Et enfin Emmanuel Macron
dont chacun connaît l'expression favorite :
"
En même temps" :-)
cette disposition de la pensée
qui allie deux mots a priori incompatibles.
de son positionnement politique.
Tout, chez le
nouveau président,
se décline sur ce mode.
.