vendredi 31 mai 2019

Technologie, contrôle et liberté


« Nous rêvons tous d’un monde bienveillant, attentif à nous. 
Un monde qui prenne soin de nos esprits et de nos corps stressés, 
qui nous protège et nous choie, nous aide et corrige nos erreurs, 
qui nous filtre l’environnement et ses dangers. 
Un monde qui s’efforce d’aménager un technococon pour notre bien-être. 
L’intelligence ambiante pourvoit à ça. (…) 
Elle courbe cette bulle autour de nos solitudes. »

Alain Damasio
"Les furtifs"
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La folie n'est plus folle, dès qu'elle est collective.
J’essaie de me demander pour chaque technologie que j’utilise 
en quoi elle accroît ma puissance personnelle, de pensée, 
d’émotion, de liberté, et en quoi elle me mutile ? 
Cette question, il faut vraiment l’avoir pour soi et collectivement.
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On méconnaît de beaucoup la puissance de la télévision. 
On la croit forte par ses séries, ses magazines 
et les modèles qu'elle imprime, fait circuler et met en boucle. 
On sait qu'elle conforme plus qu'elle n'informe.
 On voit bien qu'elle normalise les modes de vie plus efficacement 
que ne le fera jamais aucun pouvoir étatique. 
Qu'elle est par là le plus sûr garant de la cohésion sociale. 
Tout cela est vrai. Mais on fait semblant d'oublier la matière. 
Ce qui concrètement se passe : des êtres isolés sont assis, immobiles, 
les yeux fixés sur des points lumineux en balayage constant, 
lumière atténuée, maintien de l'excitation auditive à un niveau relativement égal, 
monotonie qui centre l'attention consciente sur le peu d'influx qui reste. 
Voilà ce qu'est la télé. 
Peu importe la qualité des émissions 
ou toute critique de contenu !
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Mais ce qui m’intéresse, c’est que le contrôle est devenu horizontal. 
C’est l’idée de votre dossier, “Tous espions”. 
Certains appellent ça la surveillance oblique, 
moi j’appelle ça surveillance horizontale.
 Il y a une espèce de nasse de contrôle, croisée, extrêmement dense.
 Qui s’opère aussi bien du mari sur sa femme, du père sur sa fille, 
de la fille sur ses parents, de l’employeur sur ses futurs employés 
en les googlisant ou en allant chercher sur Facebook des informations.
Devenir libre est une maladie qui se transmet par le sang et le sperme. 
Une fois contractée, aucun patron, aucun gouvernement, 
aucune prison ni aucune arme ne vous en guérissent. 
C'était cela qui me rassurait quand je voyais 
les enfants courir dans les villages. 
Ils étaient déjà atteints, ils étaient tous malades, 
gangrenés de liberté... 
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Alain Damasio
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mardi 28 mai 2019

Celui qui s'accomplit




L’arbre n’est point semence, puis tige, puis tronc flexible, puis bois mort. 
Il ne faut point le diviser pour le connaître.

L’arbre, c’est cette puissance qui lentement épouse le ciel.

Ainsi de toi, mon petit d’homme. Dieu te fait naître, te fait grandir, 
te remplit successivement de désirs, de regrets, de joies et de souffrances, 
de colères et de pardons, puis il te rentre en Lui. 
Cependant, tu n’es ni cet écolier, ni cet époux, ni cet enfant, ni ce vieillard. 
Tu es celui qui s’accomplit.

Et si tu sais te découvrir branche balancée, bien accrochée à l’olivier,
 tu goûteras dans tes mouvements l’éternité.

Antoine de St Exupéry
  "Citadelle"




lundi 20 mai 2019

Le courage




 
Le courage, ce n'est pas d'avoir la force de continuer,
c'est de continuer quand vous n'avez plus de force.
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Théodore Roosevelt
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Tous, nous serions transformés 
si nous avions le courage d’être ce que nous sommes.
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Marguerite Yourcenar


Le succès ne se mesure pas par ce que vous accomplissez, 
mais par l’opposition que vous avez rencontrée, 
et le courage avec lequel vous avez maintenu la lutte 
contre toute attente.
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Orison Swett Marden






vendredi 17 mai 2019

Il a construit sa propre cathédrale !



Il n'y a pas que des effondrements...
il y a aussi des choses qui "lèvent"
qui grandissent, qui "vont vers le haut"...
Et il existe des êtres qui, en dépit de tout,
ne renoncent pas à leur rêve...
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La Licorne
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Don Justo Gallego Martinez sur le toit de la Cathédrale de Nuestra Senora del Pilar
 


En janvier 1997, j'étais tombée par hasard sur une émission  télé
qui m'avait fait, à l'époque, une très forte impression ...
J'y ai repensé récemment, après l'incendie de Notre-Dame de Paris,
et je suis allée la revisionner.

C'était un reportage sur un extraordinaire "Bâtisseur de cathédrale" :
dans le village de Mejorada Del Campo, à 20 km de Madrid :
là-bas, un homme passionné (et enfant du pays), 
s'est attelé depuis 1961 à la construction, 
à lui seul, d'une cathédrale...

Cette cathédrale, d'une étrange beauté
"la première construite par un homme seul", 
atteint maintenant des dimensions impressionnantes: 
50 m de long sur 30 de large, 
une  coupole qui culmine à 55 m du sol...

Don Justo l'a édifiée de façon entièrement artisanale
 et à l'aide de matériaux récupérés...ici et là.
Toute la conception architecturale est de lui
et il travaille sans plan, en suivant son inspiration...
au jour le jour.

Ce fils de paysan n'est pas cultivé,
n'a aucune connaissance en maçonnerie, 
en architecture ou en quoique ce soit 
qui touche à la construction,
 mais il poursuit son rêve depuis plus de 55 ans.

Au départ, il a simplement aplani le sol 
et commencé à construire sur un terrain 
qu'il a hérité de son père.
Il a ensuite poursuivi son projet "fou"
avec un courage et une tenacité
qui forcent l'admiration.

A plus de 90 ans, il travaille toujours à son oeuvre
et le résultat de ses efforts est absolument incroyable...

La Licorne
 

(cliquer sur les liens pour voir les images)






mercredi 15 mai 2019

Inconnu qui nous tire




Toujours il y a une vieille mémoire qui remue en nous,
Quelque chose qui chante de l’autre côté,
Ou qui appelle, ou qui hante.
De l’autre côté de quoi, on ne sait pas très bien.


Toujours il y a un vieil Inconnu qui nous habite et qui nous tire,
Et qui semble si vieux, et si proche,
Comme un inconnu qui serait quand même connu,
Qui serait nous-mêmes et plus que nous,
Comme un enfant perdu qui ne s’y retrouve plus…
Et ça tire, vers quoi, on ne sait pas, on ne sait plus.
Et pourtant c’est comme si on avait toujours su.
C’est un pays « là-bas » où l’on avait couru, joué, toujours joué,
Un grand espace ensoleillé qui nous habite quand même.


Entre nos quatre murs et nos complets-vestons si étriqués.
Il y a une vieille musique qui s’obstine,
Un vieil oiseau sauvage jamais attrapé
Qui bat quand même des ailes dans notre cage.
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"La clef des contes"
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lundi 13 mai 2019

Evolution






On n'est pas dans une crise morale,
on n'est pas dans une crise
politique, financière, religieuse,
on est dans une crise évolutive.
On est en train de mourir à l'humanité
pour naître à autre chose...
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vendredi 10 mai 2019

Il y a des choses que je ne dis à personne






Il y a des choses que je ne dis à Personne Alors
Elles ne font de mal à personne
Mais le malheur c’est
Que moi
Le malheur le malheur c’est
Que moi ces choses je les sais

Il y a des choses qui me rongent La nuit
Par exemple des choses comme
Comment dire comment des choses comme des songes
Et le malheur c’est que ce ne sont pas du tout des songes

Il y a des choses qui me sont tout à fait
Mais tout à fait insupportables même si
Je n’en dis rien même si je n’en
Dis rien comprenez comprenez moi bien

Alors ça vous parfois ça vous étouffe
Regardez regardez moi bien
Regardez ma bouche
Qui s’ouvre et ferme et ne dit rien

Penser seulement d’autre chose
Songer à voix haute et de moi
Mots sortent de quoi je m’étonne
Qui ne font de mal à personne

Au lieu de quoi j’ai peur de moi
De cette chose en moi qui parle

Je sais bien qu’il ne le faut pas
Mais que voulez-vous que j’y fasse
Ma bouche s’ouvre et l’âme est là
Qui palpite oiseau sur ma lèvre

O tout ce que je ne dis pas
Ce que je ne dis à personne
Le malheur c’est que cela sonne
Et cogne obstinément en moi
Le malheur c’est que c’est en moi
Même si n’en sait rien personne
Non laissez moi non laissez moi
Parfois je me le dis parfois
Il vaut mieux parler que se taire

Et puis je sens se dessécher
Ces mots de moi dans ma salive
C’est là le malheur pas le mien
Le malheur qui nous est commun
Épouvantes des autres hommes
Et qui donc t’eut donné la main
Étant donné ce que nous sommes

Pour peu pour peu que tu l’aies dit
Cela qui ne peut prendre forme
Cela qui t’habite et prend forme
Tout au moins qui est sur le point
Qu’écrase ton poing
Et les gens Que voulez-vous dire
Tu te sens comme tu te sens
Bête en face des gens Qu’étais-je
Qu’étais-je à dire Ah oui peut-être
Qu’il fait beau qu’il va pleuvoir qu’il faut qu’on aille
Où donc Même cela c’est trop
Et je les garde dans les dents
Ces mots de peur qu’ils signifient

Ne me regardez pas dedans
Qu’il fait beau cela vous suffit
Je peux bien dire qu’il fait beau
Même s’il pleut sur mon visage
Croire au soleil quand tombe l’eau
Les mots dans moi meurent si fort
Qui si fortement me meurtrissent
Les mots que je ne forme pas
Est-ce leur mort en moi qui mord

Le malheur c’est savoir de quoi
Je ne parle pas à la fois
Et de quoi cependant je parle

C’est en nous qu’il nous faut nous taire

Louis Aragon 


vendredi 3 mai 2019

Résilience intérieure






La notion d’effondrement fait débat dans le monde de l’écologie. Certains disent que l’annoncer dissuade de lutter contre la crise écologique. Qu’en pensez-vous ?
 

Face au mot effondrement, il y a une diversité de réactions.
Il y a des gens qui sont sidérés, dans le déni, qui ne veulent pas voir la catastrophe.
Il y en a qui disent « oui, il y a des catastrophes, mais on pourrait encore les éviter ».
Il y en a qui disent « ah, enfin, on dit qu’il y a des catastrophes, 
maintenant, on passe à l’action ».

Beaucoup de gens dans le milieu de l’écologie m’ont dit  
« arrête avec tes mauvaises nouvelles, cela démobilise ».
Je trouve que c’est faux.
Cette réaction cache une peur de traverser des peines et des souffrances.

Ne rester que dans les bonnes nouvelles et le positif, pour moi, c’est bancal.
On ne voit pas arriver les choses. Je suis plutôt dans la posture du catastrophisme éclairé
du philosophe Jean-Pierre Dupuy : on va se forcer à voir les mauvaises nouvelles,
on va même considérer, alors qu’elles sont incertaines, qu’elles sont certaines,
pour pouvoir mieux les éviter.

Cela en désarçonne certains, moi, je trouve que c’est plus puissant.
Dans le nouveau livre, on appelle cela les « pessimistes plus ».
Il y a aussi les « pessimistes moins », ceux qui disent que tout est foutu.
Ils ont deux pieds dans les mauvaises nouvelles
et d’un point de vue éthique, c’est insupportable.

Et à l’inverse, il y a les « optimistes moins », les béats :
ceux qui ne veulent pas voir les mauvaises nouvelles
et vont se prendre un mur parce qu’ils ne regardent pas en face.
Enfin il y a les « optimistes plus », dont on a besoin
 parce qu’une fois conscients des mauvaises nouvelles,
ils passent à l’action.

Donc, dire que l’on peut encore éviter un changement climatique 
allant au-delà de 2 °C ou 1,5 °C, 
c’est ne pas se donner les moyens de s’y opposer ?

En fait, il est déjà trop tard pour plein de choses.
Limiter le réchauffement climatique à plus 1,5 °C, je n’y crois plus.
Plus 2 °C, cela me paraît hyper optimiste.
On pourra même aller à plus 9 °C si on trébuche
et qu’on n’avait pas prévu quelque chose.
Cela signifie l’anéantissement de la biosphère.

Pourtant, il faut agir, on en a le devoir éthique.
Ce n’est pas parce qu’on a des chances
de ne pas arriver à inverser la tendance
 qu’il ne faut pas se mettre en action.

Je prends la métaphore de la maladie incurable :
le médecin vous annonce que vous avez un cancer
et que vous n’en avez plus que pour six mois.
Comment allez-vous faire pour les vivre le mieux possible ?
C’est une question de récit, d’émotions, de cheminement intérieur.
Et si vous les vivez bien, avec conscience qu’il y a une fin possible,
vous aurez une chance, peut-être, de la repousser, voire de guérir.
(...)

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Pablo Servigne
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jeudi 2 mai 2019

L'humanité en péril



 
 
"L'humanité en péril", 
c'est le nom du dernier livre de Fred Vargas...
Non, ce n'est pas une enquête policière, c'est une enquête tout court...
Une enquête fouillée et très documentée sur l'état actuel de la planète
et sur les dangers bien réels
que nous encourons dans les toutes prochaines années
et dont personne ne nous parle franchement...

Si vous voulez vivre confortablement
en vous bouchant les yeux et les oreilles, 
ne lisez pas ce livre, 
n'écoutez pas l'émission ci-dessus

Mais si vous vous sentez capables d'affronter la réalité
et que vous avez un peu d'estime et de respect
pour ceux et celles qui ont le courage de "parler vrai"...
alors, comme le dit avec humour François Ruffin, 
"faites péter le cérumen"...
et prenez le temps de vous informer...
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La Licorne
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