« Nous rêvons tous d’un monde bienveillant, attentif à nous.
Un
monde qui prenne soin de nos esprits et de nos corps stressés,
qui nous
protège et nous choie, nous aide et corrige nos erreurs,
qui nous filtre
l’environnement et ses dangers.
Un monde qui s’efforce d’aménager un
technococon pour notre bien-être.
L’intelligence ambiante pourvoit à ça.
(…)
Elle courbe cette bulle autour de nos solitudes. »
Alain Damasio
"Les furtifs"
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La folie n'est plus folle, dès qu'elle est collective.
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J’essaie
de me demander pour chaque technologie que j’utilise
en quoi elle
accroît ma puissance personnelle, de pensée,
d’émotion, de liberté, et
en quoi elle me mutile ?
Cette question, il faut vraiment l’avoir pour
soi et collectivement.
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On méconnaît de beaucoup la puissance de la
télévision.
On la croit forte par ses séries, ses magazines
et les
modèles qu'elle imprime, fait circuler et met en boucle.
On sait qu'elle
conforme plus qu'elle n'informe.
On voit bien qu'elle normalise les
modes de vie plus efficacement
que ne le fera jamais aucun pouvoir
étatique.
Qu'elle est par là le plus sûr garant de la cohésion sociale.
Tout cela est vrai. Mais on fait semblant d'oublier la matière.
Ce qui
concrètement se passe : des êtres isolés sont assis, immobiles,
les yeux
fixés sur des points lumineux en balayage constant,
lumière atténuée,
maintien de l'excitation auditive à un niveau relativement égal,
monotonie qui centre l'attention consciente sur le peu d'influx qui
reste.
Voilà ce qu'est la télé.
Peu importe la qualité des émissions
ou
toute critique de contenu !
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Mais ce qui m’intéresse, c’est que le contrôle est devenu horizontal.
C’est l’idée de votre dossier, “Tous espions”.
Certains appellent ça la
surveillance oblique,
moi j’appelle ça surveillance horizontale.
Il y a
une espèce de nasse de contrôle, croisée, extrêmement dense.
Qui s’opère
aussi bien du mari sur sa femme, du père sur sa fille,
de la fille sur
ses parents, de l’employeur sur ses futurs employés
en les googlisant ou
en allant chercher sur Facebook des informations.
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Devenir libre est une maladie qui se transmet
par le sang et le sperme.
Une fois contractée, aucun patron, aucun
gouvernement,
aucune prison ni aucune arme ne vous en guérissent.
C'était
cela qui me rassurait quand je voyais
les enfants courir dans les
villages.
Ils étaient déjà atteints, ils étaient tous malades,
gangrenés
de liberté...
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Alain Damasio
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