Les choses profondes sont toujours préparées et enveloppées
par une certaine obscurité :
les étoiles n'apparaissent que dans la nuit.
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Gustave Thibon
Noctambule : Celui qui a l'habitude de se promener la nuit.
Du latin noctus (nuit) et ambulare (bouger).
Il était près de vingt-deux heures
et la nuit commençait à tomber sur cette place
où étaient réunis hommes et femmes, jeunes et vieux,
tous humains animés par la volonté commune
de se réapproprier une parole
confisquée par l’oubli et par le pouvoir qui l’incarne.
Chacun exprimait son point de vue à sa façon,
directe ou maladroite, colérique ou sophistiquée.
A un homme d’une quarantaine d’années à la silhouette élégante
et au visage rayonnant d'un étrange sérénité,
on tendit le micro qu’il prit en attendant
au moins une minute avant de parler :
« Bonsoir, dit-il, heureux de vous retrouver.
O frères en désolation, j’ai tant de secrets à vous dire
et si peu d’occasions pour vous en parler,
vous qui le plus souvent tournez en rond,
pris dans le tourbillon égocentré de vos obsessions.
Si souvent aveugles à l’émerveillement et sourds à l’harmonie,
vous cherchez, debout dans la nuit, les échos d’une présence salutaire
qui transformerait votre exil en communauté,
votre communauté en chant et votre chant en mystère.
Mais pour cela il faudrait vous taire quelques temps pour développer,
dans l’intégrité du silence, un état lyrique qui prend le monde à témoin.
Non, il ne s’agit pas seulement de libérer la parole de la gangue épaisse des habitudes
qui la réduisent à la langue codée de la soumission et de la résignation,
encore faut-il se libérer de la parole elle-même
- et du labyrinthe mental où elle se perd si souvent
- en retournant aux sources du Verbe dont elle procède.
cette véritable conversion de la conscience
ose l'intensité verticale d'un abandon
pour accueillir l'inspiration,
cette abondance de l'âme qui coule de source en silence.
Élevés au grain de l’efficacité et de la performance,
on a fait de vous des analphabètes de l’âme
en castrant votre intériorité pour vous enrôler dans l’armée du nombre,
petits soldats de l’économie dans la grande guerre de chacun contre tous.
Conséquence : tout ce qui excède la médiocrité vous fait peur
et tout ce qui vous fait peur vous transforme en modernes
qui n'ont plus les fers au pieds mais les affaires dans la tête.
Les esclaves modernes sont qualifiés d'individus libres et
dès lors qu'ils réduisent ce qu'il sont à ce qu'ils font
et ce qu'ils font à la poursuite égoïste de leurs intérêts.
Il est encore plus facile de se libérer des fers aux pieds
que des chaînes du mental vous arrimant à des évidences illusoires.
Pour répondre à l’appel qui vous rassemble,
il vous faudrait fuir les mots du monde, ses images, ses idées
et ses codes usés, fatigués, devenus totalement inadaptés
au contexte évolutif des sociétés connectées.
Des mots qui ne veulent, littéralement et strictement, plus rien dire.
Privés de désir et d’énergie, ils font la grève du sens
en répétant sans cesse les mêmes slogans
pour mieux masquer le vide qui les hante.
Dans un monde en ruine où les certitudes s’effondrent
au rythme même où s’affrontent les solitudes,
il vous faut tout réinventer et d’abord le langage,
devenu un tas de cendres qu’aucun souffle ne saurait rallumer.
Et pour cela, il vous faut inventer un nouveau langage,
celui de l’évolution.
Olivier Breteau
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(suite ICI)
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Nuit debout
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C'est ce que dit notre ami Bobin, avec sa nécessité du noir qui s'accentue pour que la première étoile apparaisse....... (un grand merci pour la découverte du Journal Intégral, Licorne.. J'ai lu l'article plusieurs fois.. en ai survolé d'autres.. Encore une lumière sur mon chemin ! MERCI !)
RépondreSupprimerOui, on peut regarder le noir de la situation actuelle...ou voir les étoiles qui commencent à s'allumer...on a le choix !
SupprimerLa seconde option est plus difficile, bien sûr...
Le "journal intégral" est un site que je recommande vivement : les textes d'Olivier Breteau sont à la fois très beaux et très profonds, très documentés aussi.
C'est un site qui vous nourrit...en profondeur !
Ravie que tu l'aies apprécié, Corinne !
Bises!
J'ai mis en partage, sur ma page.. Tendresses, Licorne :-))
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